Le Jakarta appareille en 1629 des Pays-Bas, direction l’Indonésie. Fleuron de la flotte de la puissante Compagnie néerlandaise des Indes Orientales, le navire embarque des centaines de membres d’équipage et quelques passagers, ainsi que des caisses remplies d’or pour acquérir les épices et richesses du bout du monde. Mais le voyage est long, parfois périlleux, et les conditions de vie à bord – des matelots, pas des officiers ni des hôtes de marque – sont déplorables. Privations, maladies, coups de fouet, déshydratation, sont le lot des marins, et le taux de mortalité, tout le monde le sait à l’avance, sera élevé. De quoi faire naître des tensions, entre un capitaine et son supérieur (le représentant de l’armateur) voire entre membres d’équipage. La mutinerie couve, des complots se nouent, mais à la fin, c’est souvent la mer qui gagne…

En s’inspirant de l’histoire vraie du Batavia, Xavier Dorison réussit à la fois à dépoussiérer la bande dessinée historique maritime et à proposer un vrai récit à grand spectacle. Car, au fil de ces plus de 130 pages, il a la possibilité de prendre son temps pour camper des personnages complexes, qui incarnent chacun un peu le mouvement du monde (le scientifique éclairé et libertaire, l’épouse frustrée et dépressive, le matelot bourlingueur, le patron ambitieux…), de faire avancer son intrigue au-dessus des flots et de jouer au docu-fiction. À travers une voix off distanciée mais impliquée, il décrit ainsi avec force anecdotes le quotidien terrible de la vie sur un de ces bateaux, fierté de son pays mais à quel prix. Et offre à Timothée Montaigne le loisir de montrer sous toutes ces coutures cet incroyable décor, théâtre flottant et funèbre, dans un styl réaliste et racé. Intéressant, palpitant, grand public et visuellement impressionnant : le duo d’auteurs place la barre très haut dans le genre, qui plus est dans un objet livre séduisant, un très grand format à la couverture toute en dorures.

1629, ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta – Tome 01