4 BD sur la fin du monde au banc d’essai
Thème récurrent de la science-fiction, la survie sur une Terre quasi-vidée de son espèce dominante, l’homme, est le ressort de nombreuses fictions BD. Au-delà de l’invasion zombie, genre pour lequel Walking Dead continue de tracer son sillon référence (un 16e tome vient de sortir en France), zoom sur quatre albums ou séries qui ont exploré l’idée de mini-communautés luttant contre l’adversité.
La Cité des orphelins
> L’idée
Adapté du roman à succès The Girl who owned a city de O.T. Nelson (1975), ce one-shot américain débute sur une idée simple : les États-Unis ont été victimes d’une épidémie qui a décimé toute la population âgée de plus de 12 ans. Ne restent donc que des gamins désemparés, tentant de survivre tant bien que mal et surtout obligés de grandir trop vite. Ce sera à qui démontrera une âme de chef pour nourrir et protéger ses ouailles…
> Points forts
Aucun élément surnaturel, aucune volonté d’expliquer le mal qui s’est abattu sur la Terre… Le principe est de se concentrer sur une communauté d’enfants forcés d’agir comme des adultes. L’étude de comportement est intéressante, car elle met en lumière des archétypes : le leader rassembleur mais autoritaire, la brute sans vision d’avenir, le solitaire altruiste… Dessins et découpage se révèlent efficaces, et il est à parier que les ados s’identifieront facilement à cette bande de marmots transformant un lycée en château fort.
> Points faibles
Hélas, cette introduction à la sociologie politique à hauteur de collégien se concentre trop sur un point : l’importance primordiale du leadership. C’est la thèse du bouquin, portée par l’héroïne du titre en VO, « la fille qui possédait une ville ». Car elle l’affirme sans détour : elle s’est auto-proclamée chef car personne ne s’y est opposé, mais maintenant c’est elle qui décide, dans SA ville et rien à faire de la démocratie! Forte de bonnes décisions et de quelques succès, son pouvoir autoritaire est bien assis et elle n’est pas prête à le remettre en cause. Si cette histoire est sans aucun doute une bonne base pour susciter avec des ados une discussion sur la citoyenneté et l’engagement, elle manque toutefois de nuances et porte aux nues les leaders charismatiques. Ce qui est tout de même un peu gênant…
La Cité des orphelins.
Par Joelle Jones et Dan Jolley, d’après le roman de O.T. Nelson.
Atlantic BD, 12,95 €, août 2012.
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Havre
> L’idée
Un flash et tout le monde meurt. Sauf ceux qui avaient eu la bonne idée de rester enfermés, à l’abri de la lumière du jour. En gros, pas grand monde. On suit dans cette trilogie un petit groupe de survivants dans un pays désolé et peuplé de curieux primates, à la recherche d’autres humains, d’explications et d’un endroit sûr pour s’établir.
> Points forts
Si l’explication de la catastrophe intervient à la fin du troisième tome, ce n’est pas vraiment elle qui compte dans cette attachante série. Mais bien les personnages et les liens qui se tissent entre eux. La scénariste Isabelle Bauthian (Le Prétexte) prend son temps pour les présenter, les faire évoluer, mais aussi retenir leurs secrets au fil des tomes. Elle développe ainsi un récit de SF humaniste, intégrant des thèmes classiques comme les relations de l’homme avec la nature, la ferveur religieuse et la force des superstitions, l’espoir dans la science, les forces et faiblesses du leader (beaucoup plus subtilement que La Cité des orphelins)… Tour à tour violente, tendue, lumineuse, douce ou amère, cette histoire est joliment mise en image par Anne-Catherine Ott, au trait et aux couleurs immédiatement séduisants.
> Points faibles
Le principal point faible de cette trilogie est peut-être son manque de densité et de concision. Car si certains passages font froid dans le dos – les deux auteurs possédant un vrai talent pour le suspense –, d’autres, notamment dans le tome 3, comportent des longueurs et souffrent d’une chute de tension par absence d’action. D’ailleurs, dans ces moments-là, le dessin pourtant agréable peine à combler un certain vide… Mais l’ensemble, qui s’ouvre sur une tonalité sombre (lire la critique du premier volume) et s’achève sur quelque chose de plus positif, est cohérent et n’ennuie jamais.
Havre #3.
Par Anne-Catherine Ott et Isabelle Bauthian.
Ankama, 14,90 €, août 2012.
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Seuls
> L’idée
Des enfants se réveillent dans leur ville, qui est dépeuplée. Plus la trace d’un adulte, des singes bizarres prennent possession des quartiers, un immense monolithe noir se dresse dans le centre… Survivre, comprendre, avancer. Dodji et ses amis n’ont pas le choix.
> Points forts
Au fil des tomes, Seuls se pose comme une série référence, dans le genre fantastique pour ados (et que les parents adorent). Fabien Vehlmann y développe des thèmes durs et troublants, comme la mort d’un enfant et ce qu’elle peut signifier pour les autres gamins, tout en injectant au récit des éléments d’action et de suspense haletants. Dans ce septième opus, la course-poursuite dans le brouillard entre les héros et une bande de mioches-zombifiés est vraiment flippante. Une réussite soulignée par le dessin classique et fédérateur de Bruno Gazzotti, qui démontre bien que la ligne franco-belge n’est pas bonne qu’à produire des albums humoristiques.
> Points faibles
Franchement, cette série phare du journal Spirou n’a pas vraiment de points faibles. Ses héros sont complexes, la trame de fond est ambitieuse, le scénario combine avec intelligence étude sociologique et délire fantastique, les dessins sont dynamiques, précis et attachants. Voilà une saga qu’on aimerait voir durer encore longtemps. Heureusement, ça semble bien parti pour, et pour ceux qui ne se lanceraient que maintenant, sachez que Dupuis a déjà publié une intégrale des cinq premiers tomes.
Seuls #7.
Par Bruno Gazzotti et Fabien Vehlmann.
Dupuis, 10,60 €, juin 2012.
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Crossed
> L’idée
Un peu comme Walking Dead, mais en plus gore. Carrément, exagérément plus gore. Car les victimes de Crossed ne finissent pas en cadavres putréfiés au cerveau ramolli : non, outre la croix de chair à vif qui leur barre le visage, ils deviennent des êtres assoiffés de sang, de tripes et de sexe, débitant des insanités à n’en plus finir et capables de la pire des boucheries. Strictement réservé à un public averti, et jamais après un repas.
> Points forts
Sans limite. C’est sans doute le parti-pris le plus fort de cette série, qui associe horreurs graphiques et terribles dilemmes moraux (lire la critique du tome 1). Le scénariste Garth Ennis a imaginé un univers où les méchants sont capables de se manger un bras juste pour rigoler ou de se masturber dans une plaie sanguinolente d’un congénère tout content. À cela, on ajoute des histoires humaines guère plus riantes, avec inceste, assassinat d’enfant ou séquestration. Bref, Crossed est un des comics les plus rentre-dedans qui soit, et sans doute une série jouissive pour les graphistes qui aiment dessiner du sang et des membres coupés (ici Jacen Burrows et Javier Barreno).
> Points faibles
Trop, c’est parfois trop. L’outrance de Garth Ennis frise parfois l’exercice de style, le défi du « toujours plus ». Et au final, le coeur de l’intrigue est négligé au profit d’une fuite en avant dans l’insoutenable. Heureusement, l’excellent auteur David Lapham reprend la série au tome 3, offrant une intrigue plus riche aux personnages mieux fouillés – mais rassurez-vous, c’est toujours aussi dégueu. À noter que, Milady Graphics, label en difficulté, vient de céder la série à Panini, qui publiera le tome 4 en janvier prochain.
Crossed #3.
Par Jacen Burrows, Javier Barreno, Garth Ennis, et David Lapham. Milady Graphics, 15,20 €, janvier 2012.
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Bonjour,
Milady Graphics cède des licences à Panini ?? Pouvez-vous me dire ce qu’il en est pour Locke & Key ?
Merci
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