Où en est la BD numérique ? Zoom sur La Revue dessinée
Les projets de bande dessinée numérique seront à l’honneur au prochain Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, à travers plusieurs rencontres et conférences. Et 2013 sera l’année de toutes les expériences et initiatives d’auteurs. Pour bien mesurer ce qui nous attend, BoDoï propose un petit tour d’horizon des projets existants ou en développement. Après BD Nag et Mauvais Esprit, troisième étape : La Revue dessinée.
Alors que BD Nag se concentre sur une cible jeunesse et que Mauvais Esprit a choisi d’investir le champ de l’humour ado-adulte, La Revue dessinée se positionne sur un créneau en vogue : la bande dessinée de reportage. L’idée a été lancée par Franck Bourgeron, rejoints par Kris, Olivier Jouvray, Virginie Ollagnier, Sylvain Ricard, et le journaliste David Servenay (ex-RFI, co-fondateur de Rue89, aujourd’hui indépendant). Ce dernier explique : « Depuis une vingtaine d’années, sous l’impulsion de Joe Sacco, il existe un courant d’auteurs qui veulent sortir de leur atelier et raconter le monde. Parallèlement, la presse vit une crise d’offre et de contenu, amplifiée par Internet : le robinet d’eau tiède est ouvert en permanence, déversant des tonnes d’informations sans valeur ajoutée. L’information de valeur semble alors réservée à une élite, qui peut se permettre d’acheter chaque jour un quotidien à 2 €. Nous pensons que la bande dessinée peut être un vecteur extraordinaire pour partager une information de qualité avec le plus grand nombre. »
Forts de ce constat et de cette ambition, l’équipe de La Revue dessinée est en train de bâtir un projet éditorial bimédia, à rythme de publication trimestriel : un bel objet papier d’environ 200 pages à 15€ vendu en librairie et une version numérique autour de 5-6€ avec le même contenu, c’est à dire des enquêtes, des reportages, des documentaires, réalisés par des journalistes et/ou des auteurs de BD. De larges extraits seront présentés au Festival d’Angoulême, et le numéro 1 devrait être lancé en septembre prochain. « Nous allons faire intervenir des universitaires, des historiens, des philosophes… et nous essayons de les associer à des dessinateurs intéressés, poursuit David Servenay. Les approches graphiques seront très variées, mais les sujets sont vraiment ancrés dans le contemporain, proches des gens. » Mais certains auteurs se lanceront seuls, à l’image de Christian Cailleaux, qui contera son expérience sur une frégate de la Marine nationale, en dessins et photos. Parmi les autres auteurs annoncés, citons Etienne Davodeau, Jean-Philippe Stassen, Marion Montaigne ou Hippolyte.
Au niveau juridique et capitalistique, La Revue dessinée est majoritairement détenue par ses cofondateurs. Une levée de fonds a eu lieu, des particuliers (souvent fans de BD) ont investi. Et Gallimard aussi, via Futuropolis. Une formule de pré-abonnement vient d’être mise en place, de manière à chercher un soutien en amont des futurs lecteurs et pouvoir lancer des reportages.
Côté écran, c’est l’iPad d’Apple qui est pour l’instant privilégié, « car on ne peut pas se permettre de développer des applications pour toutes les plateformes pour le moment ». De manière à faciliter le bimédia, la narration restera très classique, avec des pages « petites » d’environ 6 cases, adaptées tant à la tablette en lecture verticale, qu’à un format roman graphique papier. La version numérique pourra aussi disposer de contenu enrichi, tels des photos, extraits sonores, liens, vidéos… « Mais il faut éviter le syndrome de l’arbre de Noël, avec plein de bonus qui font joli mais auxquels on ne touche pas, prévient David Servenay. L’accès à ces contenus sera facilité au maximum, car en matière de numérique, c’est la simplicité qui crée l’usage. »
Au-delà de cette sobriété dans la forme et de la proximité sociétale dans le fond, David Servenay est bien conscient que le projet, en apparence bien bordé, est un sacré défi : « On pénètre dans un territoire assez vierge, tout est ouvert. Mais il y a une vraie prise de risques pour des auteurs de BD qui doivent sortir de leur cadre habituel de travail, pour se mettre en danger. C’est intéressant. »
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