Abaddon #1-2
Ter, grand homme coiffé d’un bandage, débarque dans un appartement pour y louer une chambre. La sexy Bet lui fait visiter. Séduit, il donne vite son accord. Seulement voilà, tout paraît si simple que cela en devient étrange : les colocataires sont excentriques, les rideaux sont baissés et les fenêtres murées… Et quand la porte d’entrée, privée de serrure, refuse de s’ouvrir, Ter prend conscience de l’impasse dans laquelle il vient de s’engouffrer…
Parus entre avril et septembre 2013, les deux tomes d’Abaddon surprennent agréablement. Angoissant récit nourri par les errances d’un personnage amnésique, ce diptyque questionne finement les rapports humains sans perdre le fil d’un récit captivant. Homme sans passé confronté à d’étranges locataires, hanté par des visions de guerre, Ter avance dans un décor presque familier, coincé entre la légèreté du quotidien et le fantasme surréaliste qu’il suscite. L’auteur, un New-Yorkais d’origine israélienne, multiplie les pistes sans les résoudre et piège le lecteur dans un labyrinthe mental qui empoisonne chaque fait et geste de locataires étrangement enclins à accepter leur sort. Impossible alors d’échapper à ce réel qui se désagrège sous nos yeux, métaphore d’aliénations révélées. Le malaise et le suspense, eux, exacerbés par l’humour noir et entretenus par des astuces narratives, ne faiblissent jamais.
Sur un mode vertigineux et absurde et avec un graphisme, faussement réaliste et chaleureux, lové dans des teintes rouges et vertes du plus bel effet, Shadmi réussit donc à transmettre une sensation de claustration. Si bien qu’au final Abaddon, récit d’ambiance un peu fou, défait nos repères, creuse l’incertitude et bouscule nos habitudes. Nul doute, voilà l’une des belles surprises de l’année 2013. On ne peut donc que saluer le flair d’un jeune éditeur, Ici Même, qui a déniché sur le net une histoire délicieusement retorse. Et un auteur à suivre.
M. Ellis
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