Autriche, 1917. La jeune Ada vit seule avec son père dans des bois reculés. Un homme qui l’humilie et l’insulte à longueur de journée. Un homme rustre et acariâtre. Pour survivre, car il est question de survie, Ada s’adonne en secret à sa passion : la peinture. Une porte ouverte sur l’extérieur, le seul moyen de trouver un sens à une existence vécue dans le malheur…

La tendance italienne se confirme chez Ici Même éditions. Pour notre plus grand plaisir ! Dans la lignée du splendide et récent La Partition de Flintham, Barbara Baldi revient avec (seulement) son deuxième album et, une nouvelle fois, c’est un enchantement visuel pour ce récit d’ambiance d’une force rare. La dessinatrice impose, dès le premier regard, son incontestable virtuosité graphique.

Passons sur toutes les références picturales, nombreuses et parfaitement digérées, et plongeons-nous dans cette Autriche sombre de 1917. La forêt se fait l’écho d’un quotidien morbide ou d’un père ombrageux, source de rage accumulée. Mais « la fille des bois » se réfugie dans l’art et va ainsi tenter de dépasser cet horizon étriqué. Au loin, malgré la pluie austère, le ciel s’éclaircit, annonçant une possible renaissance. C’est beau comme un paysage de Turner, envoûtant comme le romantisme désuet de Friedrich. C’est bien simple, toutes ces toiles de paysages de Barbara Baldi portent en elles une tension tragique d’une beauté infinie. Et plus lumineuse ou nuancée que dans son premier album avec des teintes de bleu, de vert, d’orange pour une palette délicate.

Les mots ici sont rares ­— c’est là l’autre grande force de cette BD, son économie de moyens, qui mise sur le lecteur et l’expressivité du dessin pictural. Un coup de maître pour une histoire peut-être classique, mais racontée avec un tel brio qu’on ne peut que s’émerveiller. L’élégance à l’italienne…