Adieu Karkhov
Sa vie a été chaotique, romanesque, quasi incroyable : Klavdia Troubnikova naît en Ukraine au début du siècle dernier, est abandonnée deux ans durant par ses parents — pris dans la tourmente révolutionnaire —, puis fait son chemin ambitieusement, se jurant de ne plus avoir faim. La belle jeune femme se marie pour s’éloigner d’un père très intéressé par ses charmes, supporte difficilement sa première grossesse, éloigne son époux, prend un amant riche à Shanghaï, tombe amoureuse d’un Français de bonne famille, parvient à se faire de nouveau passer la bague au doigt, se prend de passion pour son beau-frère, tombe à nouveau enceinte… Son second enfant, Marie-Hélène, deviendra l’actrice Mylène Demongeot. C’est elle qui raconte le parcours de sa mère dans Adieu Karkhov — bande dessinée que la comédienne a tirée de son livre Les Lilas de Kharkov (2009).
Le récit mêle plusieurs niveaux. Il y a évidemment la biographie de Klavdia — devenue Claudia —, qui occupe une très large partie de l’album ; la relation actuelle entre Mylène et une mère peu démonstrative : toutes deux se retrouvent à l’hôpital, sur le lit de mort de la seconde, qui réclame que sa fille écrive son histoire ; la relation passée entre Mylène et feu son mari Marc Simenon — pour lequel elle ressentit un véritable coup de foudre —, alcoolique qu’elle épaulera vaillamment ; la carrière de Mylène et son besoin avide de reconnaissance, notamment par des parents qu’elle juge indifférents ; enfin le quotidien de Mylène aujourd’hui, son engagement pour la cause animale (comme son ex rivale Brigitte Bardot). Dessinées par Catel (Olympe de Gouges, Ainsi soit Benoîte Groult), les parties plus contemporaines sont parfois fades ou caricaturales (surtout lorsque Mylène se met en scène avec son second mari) — et l’on s’étonne de peu déceler le passage du temps sur le visage de l’actrice, alors que celui de sa mère vieillit tout à fait normalement. Les péripéties russes, puis chinoises et françaises de Claudia sont, elles, tout à fait captivantes : joliment mis en couleurs, le trait de Claire Bouilhac (dessinatrice de l’hilarante série Francis) épouse de façon très séduisante ce personnage plein d’aspérités, qui porte de bout en bout cet album imparfait, mais riche et rythmé.
Publiez un commentaire