Adrian Tomine, un Américain pas loin d’être parfait
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est précoce. Adrian Tomine est encore lycéen quand il lance son mini-comic Optic Nerve, qui sera publié par le prestigieux éditeur Drawn & Quarterly alors qu’il n’a que 20 ans. Ses histoires courtes et son travail d’illustration, notamment pour le classieux New Yorker, l’installent rapidement comme un des auteurs les plus importants de la scène indépendante américaine. Sa ligne claire et ses histoires marquées par une certaine tristesse évoquent celles de Daniel Clowes. Mais son dernier ouvrage et première histoire longue, Loin d’être parfait, lui fait prendre une nouvelle dimension. De manière sensible et réaliste, Adrian Tomine y met en scène un jeune Américain d’origine japonaise, comme lui. À 34 ans, il revient rapidement pour BoDoï sur son parcours et sa méthode de travail. Avant de s’envoler pour le Festival d’Angoulême qui l’accueille dans le cadre de ses rencontres internationales.
Enfant, que lisiez-vous comme BD ?
Des classiques comics mainstream des années 70, principalement des Marvel, DC et Archie. Et aussi les Peanuts de Charles Schulz : ce fut un de mes premiers livres, même s’il appartenait en fait à mon frère. Je suis tombé amoureux de cette BD, son dessin avait quelque chose de magique. Par la suite, la série Love & Rockets des frères Hernandez a changé ma vie. Je me suis rendu compte à sa lecture que la bande dessinée était un réel médium, un moyen d’expression plutôt qu’un genre.
Vous êtes diplômé en littérature anglaise. Pourquoi n’avez-vous pas choisi d’étudier dans une école d’art ?
Je me suis surpris moi-même, ainsi que ma famille, à être reçu dans une université plutôt cotée [Berkeley, Californie]. Il aurait été dommage de manquer une telle opportunité. Je me suis donc inscrit dans un cours d’art, mais me suis rapidement senti étranger à cet environnement. Je me suis alors investi davantage dans mes cours de littérature, ce qui me laissait le temps de travailler sur mes comics.
Vous avez commencé très jeune en tant que dessinateur professionnel. Comment expliquez-vous cette réussite ?
Je crois que j’ai eu énormément de chance : j’ai débuté ma carrière au bon moment. Dix ans avant ou après, mon travail n’aurait peut-être pas été remarqué.
Dans Loin d’être parfait, votre héros est – comme vous – d’origine japonaise. Et il exprime des problèmes par rapport à son identité d’Asiatique-Américain. Pourquoi avoir choisi d’aborder ce sujet ?
Je gardais des idées en stock pour ce livre depuis un moment. C’est un sujet relativement personnel, mais l’histoire, en revanche, est totalement fictive. Même si, comme pour l’ensemble de mon ouvrage, la vie constitue une source d’inspiration.
Quelle est votre technique de travail ?
Avec Loin d’être parfait, j’ai décidé d’abandonner ma vieille méthode : d’abord l’écriture du scénario, puis son adaptation en BD. J’ai donc tout écrit en images, brossant les textes et les dessins simultanément, dans un premier jet griffonné. Loin d’être parfait est ma première histoire vraiment longue, et il m’a fallu en tout cinq années pour la bâtir. C’est assez effrayant, dit comme ça ! J’ai eu énormément de mal à me mettre écrire sur la longueur, et j’ai de plus choisi un style de dessin qui prend beaucoup de temps. Mais je suis en train de changer certaines de ces choses pour mon prochain livre…
Vous utilisez la couleur pour votre travail d’illustration, mais pas pour vos BD. Pourquoi ?
Regardez ma contribution au collectif Kramers Ergot 7, et attendez de voir mon prochain livre…
Quelles sont les principales qualités d’un bon dessinateur ?
La première est l’obsession. Si une personne n’est que mollement intéressée par la BD, je pense qu’elle n’y arrivera pas. Si l’on veut faire de la BD, il ne faut penser qu’à ça.
Beaucoup vous ont comparé à Daniel Clowes, au point de vous traiter de copieur. Cela vous a-t-il vexé ?
J’ai été profondément influencé par le travail de Daniel Clowes, et je serais aveugle et prétentieux si je niais cette influence. J’ai toujours essayé de limiter ma tendance à l’imitation, mais c’est ainsi que j’apprends ! Je souhaiterais être un de ces artistes originaux et visionnaires, mais ce n’est pas le cas…
Propos recueillis par mail et traduits par Benjamin Roure
Images © Adrian Tomine
« I ? Novels » – The New Yorker, December 22 & 29, 2008
« Shelf Life » – The New Yorker, February 25, 2008
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Loin d’être parfait
Par Adrian Tomine.
Delcourt, 14,95 €, le 5 novembre 2008.
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