Elle a dévoilé la vie sulfureuse de Kiki de Montparnasse, muse des années folles, puis retracé le parcours d’Olympe de Gouges, la révolutionnaire, dans deux « bio-graphiques ». Cette fois-ci, Catel se penche sur un cas bien vivant : celui de Benoîte Groult. Du haut de ses 93 ans, cette figure du féminisme français s’est prêtée de bonne grâce au jeu des entretiens, répondant à l’invitation de la dessinatrice. Pour ce livre, les deux femmes se sont rencontrées à intervalles réguliers, à Paris et dans les autres demeures de Benoîte, à Hyères et en Bretagne.

Benoîte Groult, auteure d’Ainsi soit-elle, classique féministe écrit en 1975, a beau dire qu’elle n’aime pas la bande dessinée, le genre lui réussit. Sur la forme, le livre est foisonnant. Fidèle à son style, Catel illustre entretiens et tranches de vie à l’encre de chine, et insère des croquis et aquarelles plus poétiques, instantanés de l’univers de Benoîte. Sur le fond, la pétillante vieille dame se dévoile sans tabous, avec modestie et sagesse. Benoîte Groult a ouvert grand les tiroirs de sa mémoire et raconte ses nombreux combats, de la lutte contre l’excision à la féminisation des noms de métiers. Elle aborde tout, sans fard : la Seconde Guerre mondiale, la famille, sa vie politique, mais aussi ses amours parfois compliquées ou les avortements subis dans la clandestinité.

Cette longue et tumultueuse existence nourrit cet épais roman. Mais ce n’est pas une simple biographie. En contre-champ, on suit la réalisation d’Olympe de Gouges, que Catel bouclait en parallèle, personnage qui fascine aussi l’ancienne journaliste. L’ouvrage est riche, porté par l’affection grandissante que se portent l’auteure et son sujet, retraçant plusieurs décennies capitales dans l’histoire des femmes. Et, avec sa vivacité d’esprit, Benoîte Groult fait souffler un grand et délicieux vent de liberté entre ces pages.