Albert Dubout, brillant dessinateur de la France et des Français
Il fait partie des illustrateurs dont on tend petit à petit à oublier le nom, mais dont on a vu au moins une oeuvre dans sa vie. Car qui n’est jamais tombé sur l’affiche illustrée de Marius de Marcel Pagnol ? Qui n’a jamais vu un poster ou un produit dérivé de ses chats, très expressifs, la queue dressée et le pelage hirsute ?
Dessinateur emblématique du XXe siècle, Albert Dubout, né en 1905 et décédé en 1976, se voit régulièrement consacrer des expositions. La dernière en date, « Albert Dubout dessine les Français », se tient au Musée français de la Carte à jouer, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), jusqu’au 14 août. La quarantaine de dessins dévoilés y dresse un panorama de son oeuvre des années 1930 aux années 1960.
L’exposition débute par la fameuse affiche originale du film Marius, réalisé par Alexander Korda, d’après le roman de Marcel Pagnol, dessinée à l’occasion de la ressortie du long-métrage dans les années 50. Elle témoigne de la longue relation d’amitié et de travail entre Dubout et le créateur de Jean de Florette, amorcée dès les années 1930. L’illustrateur signera ainsi 27 affiches de film et une de pièce de théâtre de Pagnol, ainsi que les couvertures de sept de ses livres. Le romancier-cinéaste le décrivait comme le « plus grand illustrateur de notre temps ».
C’est là le talent de Dubout : l’art de croquer ses contemporains. Tout en finesse, mais avec une pointe d’ironie. Celui qui a travaillé pour plus de 250 journaux, en France et à l’étranger, a dépeint les moments forts du quotidien d’après-guerre. Parmi ses dessins les plus connus, « La Fête au village » et « Le Jour V », célébrant respectivement un 14 Juillet et la Libération de Paris, fourmillent de détails. Telle une planche de « Où est Charlie », dont la filiation semble évidente, les personnages y sont dessinés par centaines, dans des positions et humeurs les plus diverses. On y voit des gros nez, de grandes oreilles, des visages expressifs, des corps tordus et des scènes absurdes. Qui aime bien, châtie bien.
La finesse de son trait est aujourd’hui encore bluffante. Albert Dubout travaillait toujours à l’encre de Chine et avec une loupe, sur des planches qui dépassaient rarement le format 60x80cm. Un travail d’orfèvre.
D’autres dessins exposés au Musée français de la Carte à jouer, narrant le Tour de France ou les départs en vacances, pointent l’intérêt de l’illustrateur pour cette France populaire, celle des congés payés. Le dessinateur, qui a toujours mis un point d’honneur à ne pas être contraint par ses employeurs, aimait y retranscrire cette liberté et dépeindre des Français râleurs, mais heureux, ensemble, dans une société de loisirs et de consommation. Toujours avec humour.
L’exposition se poursuit par ses immanquables chats, dont il était amoureux, là encore pour leur indépendance et leur liberté. On s’attarde également sur ses couples qu’il s’amuser à caricaturer : sa « grosse dame » accompagnée d’un mari chétif, souvent maltraité. Une manière de dénoncer par l’absurde les violences conjugales avant l’heure.
Enfin, comment ne pas scruter pendant de nombreuses minutes ses peintures (qu’il a toujours refusé d’exposer de son vivant), elles aussi, impressionnantes par la quantité de détails qu’elles recellent et la maîtrise du trait.
Si elle se revendique non-exhaustive, tant il y a à raconter, l’exposition rappelle, avec quelques dessins isolés, la richesse et la diversité de l’oeuvre de Dubout. En témoigne, en 2005, la célébration du centenaire de l’auteur au Musée… de l’Érotisme.
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« Albert Dubout dessine les Français ».
Musée français de la Carte à jouer
16 Rue Auguste Gervais, Issy-les-Moulineaux,
Jusqu’au 14 août – museecarteajouer.com
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