Alexandre Astier fourgue de la bonne Kaamelott
Kaamelott n’est pas seulement une série télévisée à succès diffusée sur M6. Elle se décline aussi en BD et se vend plus qu’honorablement, puisque les aventures du roi Arthur et les bourdes dessinées de ses chevaliers de la Table ronde se sont déjà écoulées à 200 000 exemplaires. Il faut dire qu’Alexandre Astier, créateur, réalisateur et acteur de Kaamelott, a évité le piège de l’adaptation commerciale sans âme. Il s’est attelé lui-même au scénario et a choisi un habile dessinateur réaliste, Steven Dupré, pour l’épauler. Au final, il livre trois bons récits d’aventure, dynamisés par l’humour à froid qui caractérise sa création audiovisuelle.
Pourquoi vous être lancé dans la bande dessinée ?
De nos jours, dès que quelque chose marche, la question de l’adaptation en BD se pose. J’ai refusé le premier projet que l’on m’a soumis parce que, à mes yeux, il n’était qu’un simple produit dérivé, avec des gags en une planche et un style cartoon. Je suis à l’origine du monde de Kaamelott, j’en suis donc responsable. Un paquet de personnes aimeraient profiter du succès de la série, mais si le produit réalisé est mauvais les reproches me seront destinés. J’ai donc décidé d’écrire moi-même les scénarios de la bande dessinée, malgré un emploi du temps chargé. D’ailleurs, mon entourage m’a dissuadé de le faire, en me disant : « Sois raisonnable…»
Cette adaptation n’est donc pas un produit dérivé de plus ?
Quand un gamin de 8 ans repart avec ma BD sous le bras, je veux être fier de ce qu’il a acheté. J’ai eu la chance de rencontrer Arnaud De La Croix, éditeur chez Casterman, qui a tout de suite compris l’esprit de Kaamelott. C’est une aventure avant d’être une comédie, avec pour base un récit, dans lequel l’humour vient se glisser. J’écris pour les geeks [les passionnés de fantasy, de jeu vidéo, de super-héros, entre autres] qui n’aiment pas que ça déconne et exigent un travail sérieux, même pour une œuvre humoristique.
Pourquoi avoir choisi un dessinateur au style réaliste (Steven Dupré) et pas gros-nez ?
Je voulais que l’album ressemble à la série télé, elle-même réaliste. Je n’aime pas les gros gags. Mes histoires ne se veulent donc pas drôles, mais inattendues. Ce qui me fait rire, ce n’est pas un mec qui vomit, mais plutôt un type qui dit « On va chercher le Graal » et un autre qui répond « Le quoi ? ». Je suis sûr qu’à l’époque, les choses devaient se passer ainsi.
Êtes-vous un passionné de bandes dessinées ?
Oui, mais je ne lis que du très classique : Lucky Luke, Tintin, Gaston Lagaffe et surtout Achille Talon, qui est aussi bavard que moi. Je n’aime pas les BD sérieuses, avec des dialogues uniquement informatifs, aussi mauvais qu’à la télé.
L’écriture BD est-elle très différente de l’écriture télé ?
La base de ces deux écritures est commune : Aristote en a énoncé les principes, comme la distinction entre le début, la chute et le déroulement de l’action. Bien sûr, quand j’ai commencé, certains m’ont dit que le métier de scénariste BD ne s’improvisait pas, mais je les emmerde ! On me disait la même chose quand j’ai démarré à la télé. Et puis j’adore étudier la technique. En ce moment par exemple, je me passionne pour le bon usage de la ponctuation. Lorsque j’ai démarré la bande dessinée, j’ai étudié le fonctionnement d’une double page ou la récurrence de l’absence de décors, et j’ai suivi les conseils de mon dessinateur et de mon éditeur. Comme je ne suis pas là pour révolutionner le genre, je peux suivre les codes…
N’êtes-vous pas lassé de l’univers de Kaamelott ?
À mon petit niveau, j’ai réussi à créer un monde. Le nombre d’histoires qui peuvent s’y dérouler est illimité. Un peu comme dans Star Wars ! Je pourrais parler des lieux, des gens, raconter la vie des clans de chevaliers dissidents, évoquer la préparation de la guerre…
Pour la réalisation du premier tome, vous aviez fourni à votre dessinateur Steven Dupré une série de photo d’expressions…
Je me suis pris en photo durant 6 heures pour obtenir 64 expressions différentes. Les clichés étaient numérotés et je pouvais alors dire à Steven : « Dans cette scène, le personnage a l’expression numéro tant… » Souvent, le comique vient du fait que l’expression du personnage ne correspond pas à ce qu’il dit. Ces clichés ont surtout servi pour les scènes où les héros doivent être neutres, mais nous n’avons plus besoin de les utiliser maintenant.
Vous aviez un contrat de trois tomes pour Kaamelott. Allez-vous continuer l’expérience ?
Rien n’est signé, mais j’ai envie de la poursuivre. Même quand la série télé sera achevée, je voudrais que l’univers continue d’exister en bandes dessinées. L’action de la BD est contemporaine de la première saison télévisée. J’aimerais qu’on trouve dans les albums les aventures que les personnages expliquent avoir vécues, mais que je ne peux pas développer à l’écran. Les tomes continueront à être indépendants les uns des autres afin que le lecteur ne soit pas pris à la gorge et obligé d’avoir lu les autres. De tout ce qui sort autour de Kaamelott, la BD est mon objet préféré. Quand j’en reçois une, je suis toujours impressionné. Sans doute parce que la moitié du travail est faite par Steven Dupré, dont le dessin est superbe.
Quels sont vos projets ?
Il me reste trois jours de tournage sur la sixième saison de Kaamelott, qui sera diffusée durant le premier semestre 2009. Et je suis en train d’écrire mon premier film, qui n’aura rien à voir avec Kaamelott. Mais je n’en dirai pas plus. Je reviendrai sur l’univers du roi Arthur dans une trilogie au cinéma, qui se situera avant la quête du Graal. Du temps où Arthur était à Rome…
Propos recueillis par Allison Reber
Images © Casterman – Photo © M6
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Kaamelott #3
Par Steven Dupré et Alexandre Astier.
Casterman, 12,50 €, novembre 2008.
Édition de luxe (avec interview des auteurs, croquis…), 64 pages, 25 €, novembre 2008.
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