Algues vertes, l’histoire interdite
Elles font parler d’elles régulièrement, car elles rendent les plages bretonnes inaccessibles et sont soupçonnées de tuer – des animaux, des hommes. Ce sont les algues vertes. Quand elles s’accumulent et se décomposent, elles émettent un gaz toxique, parfois retenu dans des poches, sous la surface des algues séchées. Des poches qui peuvent crever d’un coup : s’il on a la malchance de passer par là, les vapeurs nocives peuvent entraîner un malaise, voire un arrêt cardiaque. Cette réalité, la présente bande dessinée le rappelle pédagogiquement. Mais ce qu’elle pointe surtout, ce sont les raisons de l’aveuglement des autorités qui refusent d’admettre que l’algue tue et de prendre les mesures pour prévenir leur développement.
Publiée en partie dans La Revue dessinée, cette longue enquête de plusieurs années a aussi connu une déclinaison radio sur France Inter. Elle prend ici une autre ampleur, celle d’un long documentaire BD, qui revient sur les événements clefs de ce scandale industrialo-écolo-sanitaire, avant de décrypter ses fondements lointains. Ainsi, on entend des témoins – médecins, agriculteurs, politiques – raconter les morts, les prélèvements oubliés, les autopsies pas réalisées, l’omerta des dirigeants économiques et politiques pour ne pas nuire à l’image de la Bretagne et de son tourisme. Pourtant, la suspicion est plus que forte que la culpabilité des algues vertes, mais personne ne semble vouloir prendre la responsabilité de l’admettre, notamment du côté de l’État. La journaliste Inès Léraud tente donc de comprendre pourquoi. Elle explique alors comment s’est développé la filière agro-alimentaire bretonne et le poids national voire international de ses grands chefs d’entreprise, au lobbying puissant – la représentation des clubs de millionnaires bretons est croustillante. Car, d’après l’enquête, un des principaux responsables du développement des algues vertes est le mode intensif d’agriculture choisi en Bretagne, qui défigure les paysages et rejette trop de nitrates dans l’eau. Une des solutions préconisées serait la fin de ce modèle productiviste, au profit de petites exploitations plus respectueuses de l’environnement, mais ce serait de toute évidence un bouleversement trop radical pour toute une filière. Et ses patrons. Et donc pour les politiques.
Porté par un dessin assez austère, et une mise en scène forcément statique (des interviews, debout sur une plage ou assis devant une table…), ce long album (144 pages) au texte abondant lasse parfois un peu. Mais la qualité des informations scientifiques et des témoignages recueillis, en même temps que la prise en défaut de la parole politique, rendent l’ensemble tout à fait convaincant. Et le constat édifiant.
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impact visuel et odoriférant, mais très utile aussi d’alerter du risque sanitaire causé par le gaz H2S des algues vertes : L’hydrogène sulfuré est un gaz inflammable, incolore, à l’odeur nauséabonde d’œuf pourri, très toxique à faible dose par inhalation. Il se dégage des matières organiques en décomposition par fermentation des algues sur les estrans comme ici. Étant plus lourd que l’air, il s’accumule dans les parties basses ou il représente un risque majeur … : http://www.officiel-prevention.com/protections-individuelles/les-voies-respiratoires/detail_dossier_CHSCT.php?rub=91&ssrub=127&dossid=577
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