Alicia, prima ballerina assoluta
Alicia Alonso, décédée en 2019 à l’âge de 98 ans, fut une des plus grandes danseuses du XXe siècle, malgré sa cécité galopante. La Cubaine, dont l’interprétation de Giselle est restée dans l’Histoire, fut honorée du titre symbolique de « prima ballerina assoluta », réservées aux ballerines exceptionnelles. Née à La Havane, elle suivit le mouvement castriste, fonda une école et un ballet national, et imposa un style cubain. C’est son histoire mais aussi sa place dans la Cuba d’aujourd’hui, qui est narrée dans cet album.
C’est d’ailleurs ce double niveau de récit qui permet à cette épaisse BD d’éviter les écueils de la biographie dessinée, genre récurrent depuis de nombreuses années et qui manque parfois de distance et de subtilité. Ainsi, Eileen Hofer montre l’importance et l’aura d’Alicia à travers les yeux de deux ados apprenties danseuses, fascinées par la prima ballerina, mais devant supporter la pauvreté et la dureté du régime autoritaire encore en place sur leur île. Par petites touches, par petites répliques, la scénariste égratigne la délicate situation politique et l’absence de liberté d’expression. Tout en reconnaissant les quelques réussites historiques de l’idéal du Che et de Fidel. Ni hagiographie ni récit politique, ce livre est donc à la fois un élégant album d’évocation d’une personnalité hors norme et d’un morceau d’Histoire passionnant, et un coup de projecteur sur l’importance des modèles dans la construction d’un parcours artistique, en tant qu’idéal et qu’objectif. Une BD enlevée et lumineuse, notamment grâce au dessin d’une vraie grâce signé Mayalen Goust (Kamarades, Vies volées), dont le choix de privilégier une ligne fine et des couleurs pastels, plutôt que les teintes chaudes et tranchées qu’on attribue en général à Cuba, fait mouche et donne une belle personnalité à l’ensemble.
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