On avait laissé René et Josiane maîtres de leur monde virtuel, totalement happé par la machine, tels des dieux dans un nouveau monde entièrement composé à leurs convenances. Les revoilà dans un second volume d’Alt-Life, dont le premier avait été une des plus belles surprises de 2018 : l’occasion pour le scénariste Thomas Cadène de creuser des pistes entrevues précédemment et de donner pleinement corps à l’univers qu’il a imaginé. Avec comme idée directrice : qu’est-ce qui peut encore donner envie de vivre à des humains immortels qui peuvent tout réaliser, tout transformer, tout modeler à leur guise ?

Car c’est bien de cela dont il s’agit, c’est bien d’un réflexion sur le sens de la vie quand on est devenu des dieux et qu’il n’y a plus ni souffrance ni mort. Thomas Cadène n’élude pas ces questions, les tourne dans tous les sens pour tenter d’apporter des réponses plausibles, sans occulter son parti-pris de science-fiction. Mieux encore, il inclut sa réflexion dans une sorte de saga fantasy. Car son héros René a construit monde à l’intérieur du monde, où l’on souffre, où l’on crève de faim et de froid, totalement autonome et qui est en train de lui échapper : y est née une forme destructrice qui pourrait tout annihiler. On suit donc ici la quête réelle d’être virtuels pour empêcher l’anéantissement de tout le système… Vertigineux. Mais parfaitement mené jusqu’au bout, avec ce qu’il faut de liberté d’interprétation pour que le lecteur y trouve sa place. Côté dessin, c’est là aussi une jolie prouesse : Joseph Falzon surjoue parfaitement le côté lisse du monde virtuel, à la fois séduisant et factice, grâce à une ligne impeccable, expressive et inventive, idéalement soutenue par les couleurs de Marie Galopin.

Alt-Life confirme donc son ambition d’oeuvre de SF à la portée philosophique, qui, au travers d’un récit de genre totalement assumé, décortique les grandes interrogations de l’Humain du XXIe siècle. Impressionnant.