Amalia
Amalia est mère d’une petite Lili et belle-mère de Nora, la fille lycéenne de son conjoint Karim. À peine a-t-elle franchi le seuil de sa maison après une journée harassante de boulot qu’elle est emportée par un tourbillon de micro-tâches domestiques et une averse de « Maman ! ». Pourtant, l’homme met la main à la pâte, au-delà de son travail de boulanger dans une usine de pain industriel. Mais il gère mieux la pression que sa perfectionniste de femme, qui pousse le vice jusqu’à re-trier les poubelles des voisins peu soucieux du recyclage.
Après Idéal standard qui dépeignait les préoccupations d’une trentenaire célibataire, Aude Picault poursuit son étude sociologique avec l’inépuisable thématique de la charge mentale. Une porte d’entrée pour dénoncer l’absurdité de notre société, qui est tout sauf à cheval sur ses principes et met des œillères pour ne pas voir qu’elle galope droit dans le mur.
Dans ce monde en quête de performance, où les pesticides sont rebaptisés « stimulants » pour faire plus propre, chaque individu subit son lot de pression, et la petite famille d’Amalia n’y échappe pas. Dès la maternelle, c’est la pêche aux « smileys » (les bons points modernes), qui se transforme à l’adolescence à la chasse aux « likes » sur Instagram, avant de finir en course à la rentabilité au travail. Le tout, au prix de sa propre santé. Tarif : un burn-out.
À cela s’ajoutent les difficultés de la relation de couple, de la communication parent-enfant, le sentiment d’être impuissant pour sauver l’environnement en danger… Pas jojo, le tableau ! C’est que, nourri·es aux contes de fées et aux stories d’influenceuses (ces princesses des temps modernes), nous grandissons avec des rêves qui viennent s’écraser contre la vitre trop bien greenwashée de la réalité.
Une vérité universelle habilement mise en scène par Aude Picault, avec ces 142 planches aux couleurs tendres et plus généreuses que les aplats de ses derniers albums. Sous son trait sobre, tout en rondeur, le récit paraît simple, mais il concentre la quintessence des maux que nous portons comme un fardeau invisible. Loin d’être fataliste, Amalia donne de l’espoir et à réfléchir aux façons de remettre de l’ordre dans ce chaos, de retrouver un équilibre, sans se mettre la pression mais en la relâchant. Bonne chance à tous les funambules qui s’essaieront à l’exercice !
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