Angoulême 2011 : un palmarès ouvert et exigeant
Les lecteurs habitués de BoDoï ne seront pas surpris: le palmarès du 38e Festival international de la bande dessinée d’Angoulême emballe la rédaction. Explications.
Souvent décrié, incompris, sujet d’interrogations, le palmarès du Festival d’Angoulême affirme d’année en année son ouverture et son exigence de qualité. Et il semble que les catégories de prix (« audace », « intergénérations », etc.), curieuses au premier abord, permettent au jury (qui change tous les ans, rappelons-le) de récompenser des oeuvres variées, qui pourront chacune trouver leur public.
L’ouverture d’abord, et une ouverture très internationale cette année. Sur les onze prix, on trouve en effet sept albums réalisés par des auteurs non francophones : deux Italiens, une Autrichienne, deux Américains (malgré son passeport maltais, comptons Joe Sacco ici), un Belge flamand, un Japonais. Une belle façon de réaffirmer que la bande dessinée n’a pas de frontières, à l’image du Fauve d’or, remis à un auteur italien installé à Paris et publié par un éditeur suisse.
Ouverture vers la jeunesse et les auteurs en devenir ensuite. En effet, en choisissant de donner deux Prix révélation à La Parenthèse et Trop n’est pas assez, en offrant celui de l’audace au premier album de Brecht Evens, et en consacrant Manuele Fior pour son quatrième livre, le jury de Baru souligne la grande vivacité de la nouvelle génération d’auteurs, et lui remet les clefs du futur de la BD. Sans toutefois négliger leurs aînés, à commencer par David Mazzucchelli : car si Asterios Polyp est son premier long récit en tant qu’auteur complet, sa présence dans la sphère BD remontait déjà à quelques années. Notons que les lecteurs, quoi qu’en disent les grincheux, sont également friands de créations et de nouvelles façons de raconter, puisque Julie Maroh obtient le prix du public pour son premier album, Le Bleu est une couleur chaude. Et, pour avoir discuté avec certains des membres du jury du public, je peux vous dire qu’une belle unanimité s’est dégagée autour ce livre.
Certains semblent attendre que la sélection et le palmarès du Festival d’Angoulême reflètent l’année BD écoulée, et surtout son marché. Il n’en a jamais été question et l’édition 2011 le confirme. Ainsi, la sélection et le palmarès qui en est issu sont une mise en avant de ce qui s’est fait de mieux, de plus original, de plus novateur et de plus marquant pendant douze mois. Une manière de souligner la diversité et la qualité des albums publiés, et de donner une chance supplémentaire à des livres qui ne sont pas forcément soutenus par une grosse machinerie marketing.
Atrabile, Çà et là et Mosquito sont des éditeurs modestes par leur taille, mais la qualité de leur travail au fil des ans se doit d’être distinguée. C’est la mission des journalistes et des critiques de dire aux lecteurs qu’il n’y a pas que les têtes de gondoles qui méritent leur attention, et c’est le crédo du Festival d’Angoulême de braquer les projecteurs sur ces titres exigeants, mais qui sauront indéniablement trouver leur public. Une petite anecdote à ce sujet : plus aucun exemplaire de La Parenthèse n’était disponible sur le stand Delcourt dès le samedi midi… Qu’on ne vienne donc pas dire que le palmarès consacre des livres qui n’intéressent personne.
Sur ce point, notons également que les albums grand public n’ont pas été oubliés cette année, puisque la série Il était une fois en France est enfin consacrée et que le trépidant manga Pluto décroche une récompense méritée. Et que l’un des poids lourds de l’édition française (Glénat) repart tout de même avec trois prix. Bien sûr, certains albums comme Quai d’Orsay ou La Mort de Staline auraient fait figure de prix de compromis, entre grande qualité et vraie accessibilité. Mais un palmarès est avant tout un choix, et on ne peut pas choisir tout le monde, sinon ça n’a plus d’intérêt. Ce qu’on attend d’un jury est une décision porteuse de sens. Et la mission de Baru est, dans ce cadre, parfaitement accomplie (sur les délibérations, on peut lire l’intéressant récit de Jean-Claude Loiseau, journaliste et juré cette année, sur le site de Télérama).
Concluons avec un petit mot sur le Fauve d’or du meilleur album. Cinq mille kilomètres par seconde est un livre que j’ai soutenu dès le départ, car il m’a ému, fasciné, ébloui. Et je n’ai aucun doute que, grâce à cette nouvelle mise en avant, un an tout juste après sa première publication, il va élargir son public. Un public curieux, ouvert et sensible à une bande dessinée qui n’est pas conventionnelle, mais qui – outre sa grande beauté graphique – porte en elle une réelle sincérité et une vraie intelligence de narration. Et interroge avec pudeur les sujets des relations amoureuses, de l’intime, des choix de vie, des racines. Un livre à la fois brillant et humble sur les choses de la vie, à (re)découvrir d’urgence, donc.
Benjamin Roure
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Vous le dites vous-mêmes dans le titre de l’article, il s’agit d’un palmarès ouvert et exigeant: j’apprécie les ouvertures évidemment, mais l’exigence…. si c’est se prendre la tête pour lire un bouquin, merci pour moi! Ce n’est apparemment pas le cas de Pluto (mais je ne lis plus de mangas du tout!), ou du Nury (excellente BD du passé récent). Pour le reste, il s’agit de livres qu’au mieux, je prendrai à la médiathèque.
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Vous le dites vous-mêmes dans le titre de l’article, il s’agit d’un palmarès ouvert et exigeant: j’apprécie les ouvertures évidemment, mais l’exigence…. si c’est se prendre la tête pour lire un bouquin, merci pour moi! Ce n’est apparemment pas le cas de Pluto (mais je ne lis plus de mangas du tout!), ou du Nury (excellente BD du passé récent). Pour le reste, il s’agit de livres qu’au mieux, je prendrai à la médiathèque.
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Elles sont étonnantes les réaction sur ce site (je parle des commentaires, pas des articles): en quoi un livre profond, touchant, humain…etc est nécessairement associé à un livre « prise de tête »? Le divertissement ne se limite pas à l’action (je crois), il embrasse tous les genre. Je ne remet pas en cause le fait qu’on aime tel ou tel livre mais bien le fait qu’on ne l’aime pas parce qu’il serait -a priori- chiant.
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Elles sont étonnantes les réaction sur ce site (je parle des commentaires, pas des articles): en quoi un livre profond, touchant, humain…etc est nécessairement associé à un livre « prise de tête »? Le divertissement ne se limite pas à l’action (je crois), il embrasse tous les genre. Je ne remet pas en cause le fait qu’on aime tel ou tel livre mais bien le fait qu’on ne l’aime pas parce qu’il serait -a priori- chiant.
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Oui, c’est bien ça le problème : les a priori.
Les couvertures ne sont pas cartonnées ? Le livre fait plus de 48 pages ? Ah bin ça doit être chiant alors.
L’exigence, c’est aussi pas prendre le lecteur pour un abruti, chercher à faire le meilleur livre possible. Il y a une idée de respect (du travail bien fait, du lecteur, de l’auteur) dans l’exigence.
Francis, allez lire Cinq mille kilomètres par seconde, vous verrez que l’exigence n’est pas forcément austère ou chiante.
Et j’insiste : la sélection de cette année est très accessible, pas austère pour un sou. Allez lire les livres, on en reparle ! -
Oui, c’est bien ça le problème : les a priori.
Les couvertures ne sont pas cartonnées ? Le livre fait plus de 48 pages ? Ah bin ça doit être chiant alors.
L’exigence, c’est aussi pas prendre le lecteur pour un abruti, chercher à faire le meilleur livre possible. Il y a une idée de respect (du travail bien fait, du lecteur, de l’auteur) dans l’exigence.
Francis, allez lire Cinq mille kilomètres par seconde, vous verrez que l’exigence n’est pas forcément austère ou chiante.
Et j’insiste : la sélection de cette année est très accessible, pas austère pour un sou. Allez lire les livres, on en reparle ! -
« un palmarès exigeant », voila qui est intéressant! A mon humble avis, ce n’est pas au palmarès à être exigeant, mais bien au lecteur! Ce n’est pas pour cela qu’il ne faut plus lire que du Joe Sacco (qui par ailleurs mérite évidemment le détour), exigence ne rime pas avec intellectuel, prise de tête et compliqué!
Si les prix décernés par le jury du festival d’Angoulême devaient être le reflet de l’année écoulé en BD, nous n’aurions pas besoin de Baru et Cie. Pour cela, quelques chiffres de vente donné par les libraires suffisent!
Je pense qu’au contraire, un jury se mouille, attire l’attention, prend des risques de manière à faire émergé, certes pas le plus populaire, mais bien (selon eux) le meilleur de ce qui c’est fait en BD. Pour moi, l’intérret est justement de faire connaitre au grand public, se à côté de quoi il aurait pu passer, et non se qu’il a déjà! -
« un palmarès exigeant », voila qui est intéressant! A mon humble avis, ce n’est pas au palmarès à être exigeant, mais bien au lecteur! Ce n’est pas pour cela qu’il ne faut plus lire que du Joe Sacco (qui par ailleurs mérite évidemment le détour), exigence ne rime pas avec intellectuel, prise de tête et compliqué!
Si les prix décernés par le jury du festival d’Angoulême devaient être le reflet de l’année écoulé en BD, nous n’aurions pas besoin de Baru et Cie. Pour cela, quelques chiffres de vente donné par les libraires suffisent!
Je pense qu’au contraire, un jury se mouille, attire l’attention, prend des risques de manière à faire émergé, certes pas le plus populaire, mais bien (selon eux) le meilleur de ce qui c’est fait en BD. Pour moi, l’intérret est justement de faire connaitre au grand public, se à côté de quoi il aurait pu passer, et non se qu’il a déjà!
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