Angoulême 2013 : la conférence de Don Rosa
Après la conférence de Leiji Matsumoto, retour sur une autre rencontre d’exception du dernier Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, celle avec Don Rosa.
Sur la scène de l’espace Franquin, entre le traducteur et journaliste Jean-Paul Jennequin et le dessinateur Ulrich Shröder, auteur de nombreuses couvertures de Picsou, s’installe Keno Don Hugo Rosa, dit Don Rosa. L’homme âgé de 61 ans est considéré comme le deuxième papa de Balthazar Picsou, créé par Carl Barks. Lunettes rondes sur le bord du nez, crâne dégarni dont les derniers cheveux s’affairent en bataille à l’arrière : on croirait voir le plus célèbre des canards radins. Ressemblance hasardeuse ou pas, Don Rosa reste le plus grand fan de l’oncle de Donald. « Je suis né en 1951 avec Picsou, sourit-il. Sitôt sorti de la maternité, je bavais – littéralement – sur les comics de ma sœur. » Le jeune garçon lit énormément grâce à sa bibliothèque bien fournie, avec une préférence « sans le savoir » pour les BD de Carl Barks, les planches n’étant à l’époque pas signées par les auteurs.
Puis Don se lasse des BD. « J’en ai trop lu et j’ai décidé de tout jeter », indique-t-il. Tout sauf deux numéros : Donald et le casque d’or (Donald Duck and The Golden Helmet) et Juste un pauvre vieil homme pauvre (Only a Poor Old Man). Ce n’est que quelques années plus tard qu’il redécouvre les histoires de Carl Barks grâce au recueil Le Meilleur de Donald. Et qu’il finit par tout racheter.
Don Rosa continue de dessiner au collège, au lycée, puis dans des fanzines. Il raconte des histoires qu’il aurait voulu faire vivre à Donald et Picsou, mais sans les personnages, propriété de Disney. « De toute façon, je ne voulais pas en faire mon métier. Je dirigeais l’entreprise familiale de construction, je gagnais bien ma vie. C’était très bien ainsi. »
Mais à la fin des années 1980, les lecteurs ne s’intéressent plus du tout aux aventures des canards, qui ne sont plus publiées depuis une décennie. Gladstone, une petite maison d’édition fondée par des fans, obtient l’autorisation de publier les comics délaissés par Disney. « Ils ont fait appel au dessinateur Daan Jippes pour réaliser les couvertures, se souvient Don Rosa. Son talent était tel que j’ai cru reconnaître le trait de Carl Barks et je me suis rué sur la publication. » Il se décide à appeler Gladstone et commence à dessiner pour eux. « Je pensais juste leur dessiner un épisode et que ça s’arrêterait là. » La maison d’édition est ravie. Une deuxième histoire, une troisième… et l’amoureux de Picsou décide de vendre son entreprise pour s’y consacrer à temps plein, malgré une paie correspondant au tiers de son salaire du moment.
Son arrivée à Gladstone correspond à une première révolution aux États-Unis : les auteurs peuvent signer leurs planches. Mais après deux années de collaboration, Disney ne renouvelle pas sa licence à la maison. Dans les années 1990, Don Rosa contacte l’éditeur danois Egmont, qui publie lui aussi des aventures de Picsou, sans savoir que son nom d’auteur est connu sur le Vieux continent. « Je n’étais pas célèbre aux États-Unis et je n’avais aucune idée que l’Europe s’intéressait autant à Picsou et Donald, assure-t-il. J’ai pu créer mes histoires, conserver mes originaux et être mieux payé ! » Quelques années plus tard, Don Rosa finit par quitter Egmont, et se met à travailler pour Hachette (éditrice de Picsou magazine). Il arrêtera de dessiner en 2008 à cause de problèmes de vue.
Celui qu’on surnomme encore le deuxième papa de Picsou a la gorge nouée quand il parle de Carl Barks. « Je ne l’ai rencontré qu’une seule fois et c’était une période triste pour moi. Il était très vieux et son argent était géré par d’autres personnes qui n’appréciaient pas de voir mon nom, de plus en plus connu, accolé au sien. Ils ont fait savoir que Carl Barks n’aimait pas mon travail. » Une rencontre au domicile du vieux dessinateur permettra d’apaiser la situation. « Je pense néanmoins qu’il n’était pas très fan de mon travail, confie-t-il avec un petit sourire. Il trouvait ça bizarre qu’on s’intéresse tant à ses personnages et ses histoires. »
À la question finale « pourquoi n’avoir jamais dessiné que Picsou et Donald? », Don Rosa répond : « Je ne me voyais pas créer d’autres personnages, car je n’ai été élevé qu’avec Donald et Picsou. »
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