Angoulême 2018 : l’expo Tezuka
C’était la grande exposition incontournable du 45e Festival international de la bande dessinée d’Angoulême : Osamu Tezuka, Manga No Kamisama, littéralement « le dieu du manga ». Présentée au Musée d’Angoulême, elle est visible jusqu’au 3 mars.
Et c’est une excellente nouvelle, car avec quelque 200 originaux, il s’agit là d’un événement rarissime, car les oeuvres d’Osamu Tezuka ne quittent que rarement le territoire japonais et jamais en aussi grand nombre. Dans un esprit pédagogique et historique, l’exposition concoctée par Stéphane Beaujean et Xavier Guilbert, avec le soutien de Tezuka Production, survole l’ensemble de la carrière du créateur d’Astro Boy, depuis ses premières planches d’après-guerre jusqu’aux années 1980.
Dans une scénographie élégante, plongée dans une pénombre intime, on avance dans un parcours mi-chronologique mi-thématique, dont la ligne directrice est la perpétuelle quête d’innovation d’Osamu Tezuka. En 1948, il n’a que 20 ans, mais publie des aventures déjà dynamiques (La Nouvelle Île au trésor), au style largement influencé par les cartoons américains (on croise Popeye notamment). Puis sa ligne s’affirme, ses mises en scène s’enrichissent, dans des planches au rythme audacieux et aux cadrages et découpages parfois vertigineux (voir Metropolis par exemple). Tezuka lance une revue, s’adresse d’abord aux enfants (Le Roi Leo, Princesse Saphir…), et crée en 1952 un de ses personnages les plus célèbres, qui deviendra même un emblème pour le Japon : Atom, ou en VF Astro le robot. Hormis une planche anatomique d’Astro à révéler à la lumière fluo, l’expo accumule donc les originaux, toujours bien choisis et commentés par de riches cartels (écrits toutefois un peu petit…). Et met parfaitement en lumière les tournants graphiques et narratifs pris par l’artiste, en fonction de l’air du temps, des succès et des échecs de ses titres.
On voit ainsi Tezuka, admirateur de Disney, se lancer dans l’animation avec son propre studio, mais aussi s’orienter vers un lectorat plus adulte via ses nouvelles séries au tournant des années 60-70 : Vampires d’abord, puis Kirihito, Ayako, Barbara, I.L., La Femme Insecte, ou le cocasse L’Homme qui aimait les fesses… Sans oublier le magistral Black Jack et le sombre MW. Il déploie également son talent dans la fresque La Vie de Bouddha, et délivre en 1983 une de ses oeuvres les plus abouties et les plus aisément accessibles pour un public européen : L’Histoire des 3 Adolf. L’exposition présente, en plus des planches, quelques illustrations jeunesse, rarement vues.
À mesure qu’on avance, on comprend mieux l’influence qu’a pu avoir cet auteur sur la bande dessinée au Japon, et même dans le monde. Ses univers, son sens de la mise en scène, ses prises de risque graphiques, son incessante envie de se renouveler alors qu’il a tout de même dessiné quelque 150000 planches en 50 ans de carrière, achèvent de convaincre que la dénomination « dieu du manga » n’est absolument pas usurpée.
Photos © BoDoï
Publiez un commentaire