Angoulême 2019 : l’expo Richard Corben
Grand Prix d’Angoulême 2018, l’Américain Richard Corben est fort logiquement honoré d’une exposition lors de ce 46e Festival international de la bande dessinée. Installée sur les cimaises du musée d’art et archéologique de la ville, l’expo intitulée « Donner corps à l’imaginaire » retrace une carrière riche et placée sous le signe du fantastique et de la recherche graphique.
Quand Richard Corben a été élu Grand Prix, une des premières interrogations du festival avait été de savoir s’il pourrait réunir suffisamment d’originaux de l’auteur, qui en possède très peu. Les collectionneurs privés ont joué le jeu, en prêtant des dizaines de planches, pour alimenter une exposition qui se révèle presque trop roborative, débordant même dans les vitrines de la collection d’art océanien ! Mais ce n’est finalement qu’un petit défaut : car cette exposition présente au final une rétrospective quasi exhaustive d’une carrière de 45 ans.
Une carrière sous le signe de l’horreur, du fantastique et de la SF. Corben s’est en effet illustré dans des pulps, au sein des éditions Warren (dans les revues Eerie et Creepy par exemple), sous son propre label Fantagor – qui fut un échec – ou pour des maisons diverses, voire des franchises Marvel, telles Punisher, Cage ou Hulk. Deux lignes fortes ressortent de cet itinéraire entre les ombres : un goût pour l’anatomie et le dessin de corps sculptés voire aux musculatures exacerbées (l’expo présente même quelques peintures de nus classiques) ; et un attrait pour l’expérimentation, notamment sur la couleur. En effet, Corben n’a eu de cesse de tester différentes techniques et de les mélanger : plume, peinture à l’huile, aérographe, collage, trame… Jusqu’à inventer des procédés aux résultats aléatoires en matière de quadrichromie.
Les cartels et panneaux expliquent parfaitement toutes ces tentatives, et les planches présentées permettent d’apprécier l’évolution du style de l’auteur. Du cartoon sexy et potache aux peintures de dragons ultra-réalistes, en passant par l’adaptation expressionniste de textes d’Edgar Poe ou de grandes images de dinosaures aux écailles parfaitement ciselées… Corben s’autorise énormément de choses, mais dans une débauche d’énergie et de traits impressionnante. Bien sûr, ces planches et illustrations aux proportions outrées et aux décors fourmillant de hachures pourront rebuter ou déstabiliser les lecteurs en quête d’épure ou de légèreté. Mais le soin apporté à chaque case et l’ambition de ne jamais ronronner sont à souligner. Ce que l’exposition fait parfaitement, en offrant à voir des oeuvres rares. Qui n’étaient finalement, amusant paradoxe, destinées qu’à nourrir une industrie du comics spécialisé, souvent davantage avide de quantité que de qualité…
Photos © BoDoï
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