Angoulême 2020 : les trois finalistes du Grand Prix
Emmanuel Guibert, Catherine Meurisse et Chris Ware sont les trois finalistes pour le Grand Prix 2020 du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, qui se tiendra du 30 janvier au 2 février.
À l’issue d’un premier tour ouvert à tous les auteurs inscrits, trois noms sont donc sortis du scrutin pour déterminer qui succédera à Rumiko Takahashi pour le Grand Prix d’Angoulême. L’Américain Chris Ware fait figure d’habitué, puisqu’il était déjà finaliste en 2017, 2018 et 2019 ! Mais après trois « échecs » en finale, l’auteur né en 1967 est-il vraiment favori ? En tout cas, attribuer le Grand Prix à Chris Ware serait une célébration d’une oeuvre unique en son genre, la création d’un monde minutieux jusqu’à l’extrême. Découvert dans la revue RAW d’Art Spiegelman et Françoise Mouly, Chris Ware a depuis les années 1990 empilé les prix : pas moins de 28 Harvey Awards et 22 Eisner Awards, récompensant des histoires caustiques et mélancoliques, un dessin d’une grande maîtrise et la fabrication d’objets ultra-soignée. Il a aussi été distingué au Festival d’Angoulême avec le Prix du meilleur album pour Jimmy Corrigan en 2003 et le Prix spécial du jury en 2013 pour son impressionnant Building Stories. Son prochain livre, Rusty Brown, déjà sorti aux États-Unis, est annoncé pour fin 2020 en France chez Delcourt.
Emmanuel Guibert, né en 1964, est aussi un habitué du second tour de vote, puisque finaliste en 2018 et 2019. Le dessinateur du Photographe et de La Fille du professeur (récompensés à Angoulême) est aussi un scénariste jeunesse reconnu, avec Sardine de l’Espace (avec Joan Sfar) et Ariol (avec Marc Boutavant). Et son travail autour des souvenirs de l’ancien GI Alan Ingram Cope – La Guerre d’Alan, L’Enfance d’Alan, Martha et Alan – fait partie des plus belles oeuvres de bande dessinée intimiste et documentaire qui soit. Emmanuel Guibert a reçu en 2017 le Prix René Goscinny pour l’ensemble de son oeuvre, et a été au centre d’une belle exposition l’année suivante à Angoulême, qui dévoilait à la fois son talent de conteur et la grâce de son dessin. Intelligence, humilité et ouverture aux autres sont les grandes qualités de ce dessinateur surdoué, qui nous avait accordé une interview en 2008 sur son travail mené au Japon. À la lumière d’une carrière si riche et exigeante, un Grand Prix ne serait pas de trop.
Pour la première fois en lice en finale, Catherine Meurisse est aussi célébrée à Angoulême cette année dans une grande exposition, et a même dessiné une des trois affiches. Diplômée des Arts Décos, elle démarre à 25 ans dans le dessin d’humour à Charlie Hebdo, qu’elle quittera après les attentats. Son trait, jeté, griffonné, fait des merveilles pour mettre en scène le quotidien, les relations hommes-femmes, riches-pauvres, mais aussi le monde des arts ou de la littérature (voir nos interviews autour du Pont des Arts ou de Moderne Olympia). Son regard piquant et empathique, sa manière de se mettre en scène avec la bonne distance, et surtout son trait d’une expressivité impressionnante font de son oeuvre une des plus intéressantes et sensibles de la bande dessinée contemporaine. Dans ses ouvrages post-attentats de Charlie, La Légèreté et Les Grands Espaces et même Delacroix, elle s’ouvre d’autres champs d’exploration, intime et graphique. À bientôt 40 ans, son Grand Prix bouclerait la boucle de sa relation au Festival, puisqu’elle y a été lauréate du prix de la BD scolaire à l’âge de 17 ans. Et célébrerait à la fois le dessin de presse, l’humour et la place des femmes dans la BD.
Le second tour se déroule jusqu’au u dimanche 20 janvier 2020 à minuit. Le nom du lauréat du Grand Prix 2020 sera annoncé le mercredi 29 janvier 2020 vers 18 heures, à l’occasion de l’ouverture officielle du Festival.
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