Anna Politkovskaïa, journaliste dissidente
« Moi, je vois tout, voilà le problème. » C’est sur cette citation de la journaliste Anna Politkovskaïa que s’ouvre la biographie dessinée qui lui est consacrée. Le scénariste, Francesco Matteuzzi, choisit d’aller directement à l’essentiel : ses reportages en Tchétchénie, sa négociation avec les terroristes du théâtre de la Doubrovka, la prise d’otage de l’école de Beslan où elle tente de se rendre, son empoisonnement et, finalement, son assassinat. Elisabetta Benfatto, quant à elle, réalise des dessins au lavis qui, sans être spécialement originaux, illustrent efficacement le récit. L’album va au pas de course, à l’essentiel et dans l’urgence. Le message primant sur le graphisme.
Mais cette bande dessinée ne vient pas seule. Elle est introduite par le texte d’une comédienne italienne qui a interprété un monologue théâtrale dédié à Anna Politkovskaïa. Elle est suivie d’une chronologie des faits, d’un texte d’Andrea Riscassi (journaliste et fondateur de l’association Annaviva), et surtout d’un long entretien avec Paolo Serbandini (réalisateur de deux documentaires sur la reporter russe). Cette convergence de discours artistiques et journalistiques fait toute la pertinence et l’intérêt de ce livre. À travers l’interview de Paolo Serbandini, le lecteur peut réellement percevoir l’isolement d’Anna Politkovskaïa et se faire un avis propre sur le bienfondé de sa démarche.
« La vraie justice est celle dont les lois sont les mêmes pour tous. Chez nous, elle n’existe pas. » Ces mots d’Anna Politkovskaïa closent le recueil et nous interrogent sur ce lieu dont elle parle. En effet, à travers ce livre, on entend la demande de justice de la part de toute une communauté d’artistes et d’auteurs en Italie, où il fut publié à l’origine. Ses différentes éditions dans le monde contribuent à diffuser cette voix. Et propagent une idée de ce que c’est que de « voir » avec courage, en Russie, en Italie, en France et ailleurs.
Publiez un commentaire