En juillet 2011, Anders Behring Breivik commettait deux attentats, à Oslo et sur l’île d’Utoya en Norvège, tuant plusieurs dizaines de personnes. L’autrice norvégienne Nora Dåsnes avait 16 ans à l’époque. Elle s’inspire des sentiments ressentis alors pour composer cette fiction, qui démarre quelques semaines à peine après ces sinistres événements. Rebekka et Fariba entrent au lycée. La seconde, voilée, a été la cible d’insultes et de harcèlement quand la bombe a explosée, par des personnes pensant à un attentat islamiste. Désormais, elle décide de militer auprès du mouvement des Jeunes Travaillistes, dont le camp d’été avait été la seconde cible de Breivik. Rebekka, elle, ressasse des sons, des images, des odeurs de cette journée terrible. Le traumatisme est encore vivace, la peur qu’un tel événement se reproduise aussi, d’autant qu’elle voit en son frère – jeune adulte sans emploi ni étude, passant ses journées devant son ordinateur – certains des caractères d’un potentiel criminel…

Remarquée pour son épatant L’Année où je suis devenue ado, Nora Dåsnes convoque de nouveau ses souvenirs pour nourrir une histoire qui s’adresse, cette fois, à une cible un peu plus mûre (à partir de 14-15 ans). Avec un sens de la mise en scène aigu, une concision pudique dans la façon de montrer les angoisses de son héroïne, et un trait crayonné allant à l’essentiel, elle brosse un poignant portrait d’adolescente, qui doit affronter, dans le même temps, son stress post-traumatique et les changements de vie liés à son âge (les responsabilités, les garçons, l’amitié, la scolarité…). Sans jamais tomber dans le pathos, mais en allant assez loin dans l’exploration de sentiments contradictoires, l’autrice offre un regard rare et lucide sur la construction mentale d’une jeune femme bien ancrée dans son époque, si riche de possibilités mais si terrifiante par bien des aspects. Une belle réussite.