Et si les bolcheviques n’avaient pas renversé le tsar en 1917 ? Et si la Russie menait depuis des décennies une guerre sans fin contre des ennemis de l’extérieur comme de l’intérieur, menée par un tsar immortel et le mystérieux Raspoutine ? C’est le décor uchronique et fantasmagorique de ce one-shot fascinant en de nombreux points.

Fascinant d’abord par le monde imaginé par Tristan Roulot (Irons, Hedge Fund…), entre science-fiction littéraire et onirisme pictural. En effet, le héros – un jeune et dévoué officier de l’armée russe – accepte de plonger dans le monde des rêves pour sauver son tsar prisonnier de son coma. Un simulacre, évidemment, qui cache un plan bien plus diabolique. On navigue ainsi dans une Russie impossible, dotée d’une technologie militaire étonnante et vivant dans un isolement tout irréel. Un album esthétique ensuite, sous l’encrage viril de Denis Rodier (L’Ordre des dragons) musclant son beau trait réaliste. Toutefois, cette élégante coquille sonne par moments un peu creux, notamment quand elle aligne des rebondissements grossiers dans une trame déjà saugrenue et dont on a deviné l’issue depuis longtemps. On a ainsi du mal à s’identifier à ces personnages mollement incarnées, et on ne peut que se raccrocher à l’ambiance crépusculaire, joliment réussie. Ce n’est pas toujours suffisant, et l’intérêt est inégal au fil de la lecture, laissant un sentiment mitigé d’inachevé.