Articho + Requins marteaux, racontés par Chamo
On ne les attendait pas forcément sur ce terrain là, mais voilà une initiative qui ne peut être que synonyme de bonnes choses : les Requins Marteaux se lancent dans l’édition jeunesse ! Pour l’occasion, l’éditeur aquitain s’est associé à l’Articho, collectif d’artistes parisiens, dirigé par Yassine et Chamo. Ensemble, ils viennent de publier Bonjour, leur premier ouvrage à destination des jeunes lecteurs. Cet album est à l’image de ce que l’on peut attendre de cette étonnante collaboration éditoriale: nouveau, étonnant, différent, et plein de fraîcheur. Illustré par l’artiste belge Anne Brugni, avec des textes signés McCloud Zicmuse, c’est à la fois un livre d’artiste et un ouvrage à la portée des enfants qui y découvriront des images comme on n’en voit pas ailleurs, le tout porté par une fabrication soignée, du papier à la typographie réalisée spécialement pour ce récit, rien n’a été oublié. Chamo, artiste multicarte, hyperactive et curieuse de tout, nous présente ce nouveau label jeunesse plein de promesses.
Illustratrice, éditrice, libraire… Qui êtes-vous et quel est votre parcours ?
J’ai étudié le textile puis l’illustration à Duperré, puis j’ai plus ou moins continué mes études à Berlin à la Kunsthochschule. Mais le côté scolaire ne m’a pas vraiment passionné ! C’est au contact d’autres artistes que j’ai appris. J’ai grandi, artistiquement parlant, en participant à des projets collectifs (expos, publications, évènements). J’adore l’énergie qui se dégage de ce type de projets. Et travailler avec d’autres artistes vous pousse à vous remettre en question et vous renouveler constamment. Je dirais que je suis avant tout une passionnée d’images. Je suis illustratrice et dessiner est primordial pour moi, mais ça ne me suffit pas. J’aime défendre les artistes et je le fais de plusieurs manières : en éditant des publications avec l’Articho, et en tant que libraire dans une super librairie jeunesse, La sardine à lire, à Paris.
Présentez-nous L’Articho.
L’Articho est une association que j’ai créée en 2006 avec Yassine, un ami de longue date également dessinateur. Nous partageons le goût des projets collectifs et nous avions déjà souvent travaillé ensemble, pour des expositions, des publications, des fêtes, des ateliers, avec des dessinateurs issus d’horizons très différents (illustration, BD, graphisme, livre jeunesse, dessin contemporain, fanzine underground, street art…). Yassine vient de la BD et moi du monde de l’illustration jeunesse, mais nous avons tous les deux une grande curiosité et des goûts éclectiques. Nous avons édité quatre numéros notre revue Les Cahiers de L’Articho, ainsi que plusieurs fanzines, mais nous avons aussi réalisé plusieurs livres chez des éditeurs jeunesse : Rue de L’Articho chez Thierry Magnier, et les quatre livres de la collection cube chez les Les Fourmis Rouges. Nous organisons aussi des boums pour enfants qui décoiffent ! Bref, on travaille beaucoup et on s’amuse bien.
Comment s’est opéré le rapprochement avec les Requins Marteaux pour publier des ouvrages jeunesse ?
C’est un peu une conjonction d’évènements. Franky Baloney, chef suprême et vénéré des Requins marteaux, est venu nous voir en nous proposant de travailler avec lui. On était très contents, on suit leur travail depuis toujours, et l’esprit de cette maison d’édition correspond parfaitement au nôtre. On aime leur production éclectique, leur souci du graphisme, le soin qu’ils apportent à l’objet, et plus important encore, leur rapport aux artistes. À peu près au même moment, j’ai reçu le projet d’Anne Brugni. Une amie commune, la talentueuse Gwénola Carrère, lui avait donné mon mail. J’avais depuis longtemps déjà envie de devenir éditrice de livres jeunesse, mais je ne pensais pas me lancer avant plusieurs années. La qualité du projet, la proposition des Requins et les encouragements de Yassine m’ont fait changer d’avis !
Concrètement, que pouvons-nous attendre de cette collaboration ? Avez-vous fixé une ligne éditoriale particulière ?
Une ligne éditoriale ? Surtout pas ! Sinon ce n’est pas drôle ! J’espère recevoir d’autres projets aussi surprenants et inédits que Bonjour. Et aller au gré de mes envies et de mes trouvailles. J’espère publier environ cinq livres jeunesse par an, œuvres de jeunes illustrateurs, d’artistes confirmés, ou même des rééditions.
Parlez-nous de ce premier ouvrage, Bonjour.
Un livre surprenant de simplicité et de poésie signé Anne Brugni. Le texte a été tout spécialement écrit pour elle par son mari McCloud Zicmuse. Lui est musicien, elle vient du textile. Et leurs univers se mêlent tout naturellement. Le livre parle du cycle du jour et de la nuit. Un hommage aux phénomènes naturels et au quotidien, à la vie, tout simplement. Les collages d’Anne, subtils et colorés, subliment la nature, lui donnent une étrangeté vibrante. C’est beau et fort.
Et les prochaines sorties ?
Un calendrier collectif Articho/Requins Marteaux qui sera accompagné d’un lancement chez Arts Factory le 25 novembre, puis un jeu avec la drôlissime Anouk Ricard… J’ai hâte.
Vous qui avez un regard avisé et sur le monde de l’édition jeunesse, que pensez-vous de la production actuelle ?
Quand les cartons arrivent à la librairie, je suis tantôt contente tantôt désespérée ! J’ai quand même du mal à trouver des livres qui me plaisent à tous niveaux : texte, images et objet. Cela dit, il y a une très grande richesse de l’illustration en France, et de nouveaux auteurs avec du potentiel apparaissent régulièrement. Et aussi de belles rééditions en ce moment. Mais c’est noyé dans une masse de « livres-produits », qui semblent conçus par des hordes de commerciaux. Et beaucoup de trucs cucul aussi… c’est fatiguant !
Que souhaitez-vous y apporter en tant qu’éditrice ?
La première chose que j’ai faite, c’est de rédiger un contrat que je trouve juste vis-à-vis des auteurs. Je remercie d’ailleurs Géraldine Alibeu et le juriste de la Charte des auteurs et illustrateurs pour leurs relectures avisées. Le fait que je vienne d’un milieu « do it yourself » me différencie un peu des autres éditeurs jeunesse. Je fais tout toute seule, avec l’aide de Yassine, surtout pour le graphisme. C’est beaucoup en charge de travail, mais du coup je maîtrise tout. Je veux faire des ouvrages de qualité, tant dans le fond que dans la forme, mais je ne veux pas d’une maison d’édition qui se prend au sérieux.
De manière plus large, quel lien entretenez-vous avec la bande dessinée ?
Je suis très difficile ! Comme beaucoup d’illustrateurs, j’ai du mal à acheter une BD qui ne me plaît pas graphiquement. Heureusement, je suis entouré de lecteurs de bon conseil qui me mettent dans les mains des albums de qualité et me font découvrir plein d’auteurs. J’aime particulièrement le catalogue de Misma, et celui des Requins évidemment.
Quel est votre dernier coup de coeur au rayon bande dessinée ?
Mon coeur balance entre Maximal Spleen de Simon Hanselmann chez Misma et Une vie de famille agréable d’Antoine Marchalot chez les Requins Marteaux.
Propos recueillis par Romain Gallissot
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Bonjour.
Par Anne Brugni et McCloud Zicmuse.
Les Requins Marteaux/L’Articho, 16 €, septembre 2014.
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