Au travail #2
Après avoir interrogé les origines du processus créatif dans le premier volume de Au travail, Olivier Josso Hamel plonge à nouveau dans ses souvenirs d’enfance pour recomposer son puzzle mémoriel. L’enjeu est clair, appréhender « un phénomène inexpliqué », l’Homme. C’est Émile avec sa tronche, sa dégaine et son regard majuscules d’où sourd la vérité. Une vérité travaillée sur les chantiers de Saint-Nazaire, ville détruite par la Seconde Guerre mondiale. Un chantier urbain, un chantier personnel, un chantier conceptuel. C’est aussi un père disparu trop tôt, mystère intime et entier. Des figures de l’enfance, des femmes surtout : Denise, la sœur de Taté, Nadou, Mado, Mémère, Taté 2… Et des relations fragmentaires entre hommes et femmes, couvées par le silence.
Sans père mais en quête de (re)pères, Olivier Josso Hamel fouille dans son enfance pour combler l’absence, résorber les interstices, urbains ou intimes, capter le sens d’une angoisse matricielle. Ou sonder les traces inscrites dans le corps et les souvenirs. Moins d’ailleurs pour sombrer dans l’auto-analyse satisfaite que comprendre un rapport au réel. Fait rare en BD, Au travail #2 tient autant de la plongée verbale que graphique, dans un passé recomposé au fil des images inconscientes, des jeux de mots, des réminiscences fantasmagoriques et des impressions de lecture. L’hirsute réécriture de L’Île Noire d’Hergé en condense les traces, avant de convoquer Sempé, Reiser et Brétécher. Comme autant de dessins et d’images catalyseurs de mémoire. Pour éclairer l’inexplicable à l’aide d’un trait à la plume ou au pinceau, jet d’encre sur fond orange/vert retravaillé au Tipp-Ex, comme la potentialité d’un horizon de plus en palpable.
Les questions obsèdent Josso Hamel autant que les réponses en sursis, et la matière se nourrit autant d’intuitions qu’elle se fie à des émotions enfouies. L’imaginaire de Josso Hamel, en recherche et en construction, est ainsi fascinant d’universalité, entre l’hommage à Tintin et la quête des origines. Et d’une intensité rare, tirant sa force de la puissance de la révélation. De cette urgence échevelée naît un album autobiographique original dans sa forme, écho universel d’un rêve d’unité et de vérité. Deux tomes vont suivre. On en avait l’intuition et on en a désormais la confirmation. Pas un simple épigone, Olivier Josso Hamel renouvelle l’autobiographie en BD et s’impose comme le digne héritier de Fabrice Neaud et de son Journal.
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