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19 Comments

Aude Picault, jeune femme à la mer

29 mai 2009 |

transat-intro-ok.jpgOn s’attendait à rencontrer une petite jeune femme ronde, à la peau aussi blanche qu’une feuille de papier (mâché). Et l’on salue une demoiselle élancée, encore bronzée par le soleil de Madagascar d’où elle revient. Aude Picault n’a pas les traits de son double, mais elle en possède l’énergie, l’humour et les complexes. À travers ses récits autobiographiques décontractés, sincères et brillants (Papa à L’Association, et les deux tomes de Moi je chez Warum), la jolie trentenaire dresse un portrait en creux de ses semblables, avec leurs inquiétudes, leur humour et leurs questions existentielles. Transat, son nouvel album, est un petit bijou. Un recueil de moments anodins, d’interrogations essentielles et de perles graphiques. Ce qui valait largement quelques questions…

Que vouliez-vous raconter dans Transat ?
transat-copine.jpgJ’ai toujours plein d’idées de livres et je tiens beaucoup de carnets. Comme je n’ai aucune mémoire et que je manque de concentration, je note tout, tout le temps. J’avais prévu de partir en mer, de traverser l’Atlantique à la voile, et j’ai pensé que ce voyage serait un bon sujet. Une fois cette traversée réalisée, j’avais six carnets en main, mais j’ai commencé par lire beaucoup de récits de voyage pour éviter les clichés. Ces ouvrages sont souvent très techniques, or je voulais un regard introspectif. J’ai ensuite enlevé toutes les anecdotes déjà lues – notamment concernant la traversée – afin de me concentrer sur des thèmes plus généraux : l’envie de partir, les choix que l’on fait dans une vie, où ils nous mènent… Finalement, le récit de la traversée en elle-même se résume à 12 double-pages de vues de la mer. Ce sont en quelque sorte de grandes descriptions littéraires, mais dessinées.

Comme Moi je ou Papa, ce récit est autobiographique. Qu’aimez-vous dans ce genre ?
J’ai toujours peur d’être à côté de la plaque quand je parle de quelque chose. Ma petite personne est le sujet que je maîtrise le mieux. Je sais ce que je peux faire avec mon personnage. Comme ce que je raconte m’est arrivé, cela me paraît crédible. Aujourd’hui, je me sens plus libre de faire évoluer ce double de papier, car j’ai accompli beaucoup de voyages, rencontré différentes personnes, accumulé les lectures…

transat-bateau.jpg

Pourquoi avoir entrepris de traverser l’Atlantique ?
Je voulais connaître cet univers familier à mon père – qui n’est plus. Pendant deux ans, j’ai bossé comme une malade dans un atelier très bruyant au cœur de Paris. Je travaillais alors pour Voici – je leur avais proposé de raconter la vie d’une de leurs lectrices en bandes dessinées, et j’ai eu la chance inouïe qu’ils me fassent confiance. Mais je devais rendre une planche par semaine en plus de mes autres travaux. C’était absurde : je gagnais de l’argent mais n’avais pas le temps de le dépenser. Je voulais écrire mes propres histoires, mais je ne parvenais pas à me poser intérieurement pour trouver mon rythme d’écriture. J’en ai eu marre de faire ces portraits irréels de femmes qui règlent leurs soucis en s’achetant des chaussures ! Il fallait que j’arrête tout ça, alors je suis partie en mer. Maintenant que j’ai arrêté la série, je vis dans un petit appartement, mon atelier est un squat, mais au moins je me sens libre !

transat-metro-boulot-doodo.jpg

Dans vos ouvrages, vous n’hésitez pas à vous livrer. Ainsi, Papa raconte le suicide de votre père. Comment avez-vous construit ce récit ?
Comme Moi, je et Transat, Papa est composé de dessins issus de mes carnets. J’avais besoin de dessiner ce vécu pour aller mieux. Puis j’ai fait une rencontre décisive : celle de Jean-Christophe Menu, co-fondateur de L’Association. Il a eu envie de publier cette histoire, alors que ce n’était pas mon intention première. Pendant trois heures, on a parlé de la vie et d’autres trucs, et j’ai su que le livre serait bien fait. Il n’y a pas de trame, le récit se construit par le ressenti. Au début, j’avais besoin de dialoguer avec mon père, et grâce au dessin je peux le faire de façon quasi magique. A sa disparition, je ne dessine plus de dialogues, je ne me dessine même plus du tout. Il ne reste que la souffrance. Plus tard, à la fin du livre, je peux à nouveau me dessiner.

transat-envies.jpg

Vous travaillez toujours seule, sauf sur le blog des Chicou-Chicou, qui s’est achevé par un livre – que vous avez réalisé avec Boulet, Domitille Collardey, Lisa Mandel et Erwann Surcouf.
Ça a été une expérience importante et très libératrice. Pour une fois, j’ai inventé un personnage, celui de Claude. Avec elle, je pouvais dire tout ce que je voulais. Je lui ai donné tous mes défauts: elle est antipathique, manipulatrice, misanthrope… J’ai beaucoup appris en bossant avec d’autres artistes, notamment avec Boulet, qui avait plus de métier que moi.

Comment êtes-vous venue à la bande dessinée ?
J’ai commencé par faire les Arts Déco, section graphisme et multimédia. J’ai toujours été intéressée par la fabrication des livres : le graphisme et la typographie me passionnent mais je ne suis pas douée en la matière. A l’école, on m’a conseillé de tenir des carnets. Qui sont vite devenus pour moi un défouloir. Ma première publication a été tiré de mes cahiers, et ça a tout de suite marché!

Quels sont vos futurs projets ?
J’ai participé à une fanfare pendant six ans à laquelle j’étais très liée parce qu’un groupe comme ça travaille beaucoup pour pouvoir jouer des heures d’affilée, en faisant danser les gens. Je voudrais parler de ce milieu extravagant, ultra-festif, qui mêle musique et déguisement. Mais je voudrais l’aborder à travers les thèmes de l’attente et de la dépendance. Je vais raconter ce festival dans le Sud où nous étions invités et où, pendant trois jours, il suffisait presque de montrer notre instrument pour qu’on nous offre à boire. Ce sera l’histoire d’une jeune femme qui attend son mec – lequel ne vient pas. Et l’occasion de se demander s’il faut vivre le présent ou attendre un futur possible.

Propos recueillis par Allison Reber

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transat-couv.jpgTransat.

Par Aude Picault.
Delcourt, 14,95 €, le 6 mai 2009.

Achetez Transat sur Amazon.fr

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Commentaires

  1. Lue lee

    C’est drôle son personnage ressemble trait pour trait à son amie Domitille Collardey. On trouve aussi des similitudes dans leur dessin. J’ai d’ailleurs cru en ouvrant le livre qu’il était de Domitille… Ou alors elles ne sont qu’une seule et même personne ???

  2. Lue lee

    C’est drôle son personnage ressemble trait pour trait à son amie Domitille Collardey. On trouve aussi des similitudes dans leur dessin. J’ai d’ailleurs cru en ouvrant le livre qu’il était de Domitille… Ou alors elles ne sont qu’une seule et même personne ???

  3. Lue lee

    Ce qui me donne envie d’ajouter que j’ai hâte de lire un roman graphique personnel de Domitille. Tant son univers est magique et délicat. Peut-être moins Parisien, moins bourgeois, moins égocentré que celui d’Aude. Domitille a une liberté graphique et d’esprit épatante. Voir ses excellents reportages dans la presse !

    OUI je suis une fan absolue !!!!

    Lue lee

  4. Lue lee

    Ce qui me donne envie d’ajouter que j’ai hâte de lire un roman graphique personnel de Domitille. Tant son univers est magique et délicat. Peut-être moins Parisien, moins bourgeois, moins égocentré que celui d’Aude. Domitille a une liberté graphique et d’esprit épatante. Voir ses excellents reportages dans la presse !

    OUI je suis une fan absolue !!!!

    Lue lee

  5. ma femme ma fait découvrir l’univers de aude picault ,j’ai lu MOI JE un pur bonheur!!je me réjouis de lire ce roman graphique !

  6. ma femme ma fait découvrir l’univers de aude picault ,j’ai lu MOI JE un pur bonheur!!je me réjouis de lire ce roman graphique !

  7. Aude Picault, tes illu mes font sourire, j’adore tes personnages ( je m’y reconnais parfois !! )
    Longue vie à ta griffe d’illustratrice !!! vive les traits carbossés !

  8. Aude Picault, tes illu mes font sourire, j’adore tes personnages ( je m’y reconnais parfois !! )
    Longue vie à ta griffe d’illustratrice !!! vive les traits carbossés !

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