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Aude Samama, peindre la bande dessinée

16 avril 2018 |

portraitAuteur discrète mais pleine de talent travaillant à la peinture, Aude Samama revient pour un nouvel album sensuel, Trois Fois dès l’aube, toujours aux côtés de Denis Lapière (Amato, À l’ombre de la gloire, Martin Eden). Dans cette adaptation du roman de l’auteur italien Alessandro Baricco, elle tisse des ambiances intimistes, quelque part entre Edward Hopper et William Turner, érotise les corps et leurs sentiments pour mieux goûter au vertige du temps qui fuit, inlassablement. Et brosser des destins sur le fil.

Qui a eu l’idée d’adapter ce roman, Trois Fois dès l’aube ?

Je l’avais lu car j’avais été attirée par la couverture qui ressemblait à une œuvre d’Edward Hopper. Ce roman m’avait beaucoup plu et j’en ai ensuite parlé à Denis Lapière.

samama-trois-fois_luiEn tant que dessinatrice, n’est-on pas prisonnier des images mentales que l’on se forge par la lecture au moment de dessiner ?

À vrai dire, je n’ai pas d’images en tête quand je lis le texte. Je ne me projette jamais avant de dessiner décors et personnages, ça vient tout seul. Pour la BD, on a juste changé les pays et les prénoms.

Vous travaillez avec Denis Lapière depuis quatre albums et dix ans déjà, comment vous êtes-vous trouvés ?

J’aimais beaucoup son travail dans ses collaborations avec Pierre Bailly ou Ruben Pellejero. Je l’ai alors contacté par Internet sur son site et il m’a répondu une heure plus tard. C’est alors qu’il m’a proposé Amato. J’aime la fluidité de ses découpages, son écriture au plus près des émotions des personnages, de leur sensibilité.

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Comment travaillez-vous ensemble ?

Avec le temps, nous nous sommes adaptés l’un à l’autre pour trouver un langage commun. Sur Trois fois dès l’aube, je prends de plus en plus de libertés, par rapport aux cadrages notamment. L’idée était d’aller vers un format roman graphique, avec davantage de gros plans et de visages, et moins de décors. Le découpage de Denis est précis mais souple, toujours fluide et assez visuel. Pour Trois fois dès l’aube, il travaillait le scénario au fur et à mesure.

samama-trois-fois_lumiereEt vous, de votre côté, comment se passe la réalisation des planches?

J’ai fait trois lots de 30 pages en rough. Je ne travaille pas case par case ou j’évite de m’y attarder pour ne pas faire de la simple illustration : le vrai danger lorsque l’on travaille à la peinture en BD. Je fais ma page d’ensemble pour mieux en visualiser l’unité, garder une bonne lisibilité sans figer les choses. Je ne fais pas de crayonnés, je travaille directement à la peinture, de plus en plus épaisse. D’abord les décors, ensuite les personnages, à raison de cinq heures par jours et de quatre jours par page. Mes planches sont plus grandes que le format édité, un tiers de plus. L’acrylique me permet de faire des couleurs claires sur des couleurs foncées, du blanc sur du noir sans souci.

Et le résultat est-il conforme à ce que vous souhaitiez ?

On m’a dit qu’il y avait plus de souplesse et d’énergie dans mon dessin. Pour ma part, je sens que l’usage de la peinture à l’huile, parallèlement à l’acrylique, m’a permis d’ouvrir mon trait. L’histoire est plus ouverte que dans mes précédents albums, les couleurs plus lumineuses. On quitte l’Histoire (À l’ombre de la gloire, Martin Eden, Amato) pour une romance plus fraîche, contemporaine, avec l’impression d’avoir aussi des personnages plus vivants.

Comment évoluez-vous graphiquement ?

J’ai un trait plus léger, plus fluide et il m’est plus facile de dessiner aujourd’hui car je suis de moins en moins perfectionniste. Il faut sans cesse trouver un juste milieu mais, il est vrai, l’expérience m’aide beaucoup. Mon travail s’adresse aussi à un public plus large qu’à mes débuts, c’est du moins mon sentiment. Je parviens aussi, me semble-t-il, à trouver des expressions plus précises.

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On sent de nombreuses influences dans votre dessin.

Que ce soit en BD ou en peinture, j’ai en effet pas mal de références, mais cela change en fonction des périodes. Au début, j’étais proche des fauves ou des expressionnistes. J’ai eu mes périodes Hopper, Vallotton ou Munch. En BD, quelques noms me viennent en tête. Loustal, Mattotti ou Manuele Fior.

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Préférez-vous le travail à deux ou en solo ?

Mes premiers albums, je les ai réalisés en solo. Cela vous prend plus d’énergie car il faut porter seule le projet. Le travail à deux permet l’échange et ouvre l’esprit. Je n’aurais de toute façon pas su gérer ces histoires seule et travailler à deux me convenait bien.

Des projets ?

Oui, je travaille actuellement sur un album jeunesse, une histoire de princesse juive au Far West et ce sera publié chez Lior Editions.

Propos recueillis par M.Ellis

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Trois Fois dès l’aube.
Par Aude Samama et Denis Lapière.
Futuropolis, 20 €, février 2018.

Image © Aude Samama/Futuropolis

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