Autoportrait
En BD comme en art, il y a les copistes et les créateurs. Le Suisse Alex Baladi (Vives voix, Renégat, Cosy…), artiste en recherche permanente, fait assurément partie des seconds. Dans sa dernière BD sobrement titrée Autobiographie , il se livre comme rarement à partir d’une contrainte formelle en apparence toute bête mais diablement féconde. Il s’agit « de mélanger mail art et BD en envoyant pendant un an une carte postale une fois par semaine à mon éditeur (…), le recto et le verso formant chacun une case, qui est parfois divisée en d’autres cases (…) ». Voilà pour le principe. Le résultat, une sorte d’enquête policière intime inattendue, est hypnotique, entêtant, touchant. Car chaque détail semé recèle une étonnante profondeur au fil des pages et cartes postales où, pêle-mêle, se mélangent désordre amoureux, spleen extrême et engagement militant sur fond de guerre au Moyen-Orient. Et la présence de cette dent qui (r)appelle la mort, ou celle de Goldorak un refus, révèle une psychologie torturée mais sonnant comme une belle « cartographie du désespoir » (mot de l’éditeur).
Au crayon, à la plume, au stylo, en découpant ou en collant, il est bien question ici de témoigner d’une dépression dévorante, diffuse. L’ensemble aurait pu être plombant mais il est surtout brillant car Baladi a bien compris que l’art est affaire de sublimation. Exorciser ses démons, c’est les raconter pour mieux explorer et partager la dimension universelle du malheur. En ressort un trip visuel éblouissant, truffé de visions fantasmatiques, de rêves et de jeux de correspondances. Autoportrait colle donc bien à la quête intime d’un artiste pour qui le réel appelle à être transcendé, toujours dans le défi formel. Et comme Baladi pense à ses lecteurs, il leur offre un beau cadeau : une BD en tirage limitée (500 exemplaires), signée et bien sûr accompagnée de sa petite carte postale… Alors dépêchez-vous !
Publiez un commentaire