Rare auteur alternatif sur la scène autrichienne, Nicolas Mahler a su s’affirmer comme un acteur majeur de la bande dessinée germanophone. Chose rare : son travail est aisément accessible au public francophone depuis des décennies et ce dans plusieurs pays, ses éditeurs se répartissant entre les Français de l’Association, les Québécois de La Pastèque voire les Suisses de Bülb Comix.

La Pastèque a notamment publié les livres les plus expérimentaux de Mahler, parmi eux Poèmes, subtils jeux graphiques construisant sens, Secret identities, variation abstraites autour des figures des super-héros, ou l’improbable et joyeusement fumiste Labyrinthe de Kratochvil. Mais à côté de ces titres plutôt conceptuels, d’autres recueil plus classiques (entendons nous, cela reste du Mahler !) ont été publiés.

Bagatelles, livre élégant imprimé dans une délicate bichromie, en reprend deux (Bad Job et Désirs) entourés de nombreux récits jamais sortis en album. Principalement publiés dans Lapin, Spoutnik et Strapazin, cette dizaine d’histoires fort diverses ne souffrent pourtant pas de l’aspect toujours inégal de ces recueils. De fait, la force des propositions de Mahler, que ce soit dans son trait ultra minimaliste ou dans un humour, mêlant ironie douce amère et contemplation, si propre, donne une cohérence globale à l’ensemble.

Le grand format est osé, eu égard à un trait si peu détaillé, et pourtant cela fonctionne on ne peut mieux. Au contraire, l’épure absolue s’apprécie de la même manière dans tous les formats ou presque, et ce cartonné proche de l’album type franco-belge permet de rêver de voir l’implacable style de Mahler, sorte de ligne (très très) claire, s’imposer en classique.