Ballade pour un bébé robot
Les humains ont un jour créé un univers de toutes pièces. Une planète qui aura fait émerger un monde de robots, ultra perfectionnés, apprenant sans cesse et communiquant par ondes. Vivant dans une société dictatoriale de castes, surveillés en permanence, et pensant aux hommes comme à des dieux lointains et inaccessibles. Là, on suit North et Quang, deux enquêteurs tenaces sur la trace d’un groupuscule rebelle, qui remontent la piste d’une chose très étrange dans leur quotidien : une chanson, une ballade française des années 70 aux accents révolutionnaires…
On attendait fébrilement cette nouvelle collaboration entre Edmond Baudoin et Cédric Villani, après le dense et passionnant Les Rêveurs lunaires. Car voir Baudoin illustrer un long récit de science-fiction était excitant, et découvrir comment le talentueux et médiatique mathématicien (aujourd’hui député) allait se couler dans le moule de la fiction l’était tout autant. Le résultat dépasse les attentes. Car le scénario de Villani est un petit bijou de SF, à la trame faussement classique (un peuple de robots peut-il se rebeller), dans laquelle il inclut quelques parenthèses – pas gratuites car utiles au récit – sur l’histoire des mathématiques, ainsi qu’un discours étonnant sur l’Histoire de France et sa place dans celle des hommes. Son propos est passionnant, ses pistes intéressantes et sa conclusion pleine d’espoir et de poésie. Et au dessin, Baudoin se laisse aller à des planches comme des tableaux complexes, où il réussit à laisser vivre son pinceau au milieu des longs textes de son scénariste. Il « humanise » ce monde de robots, le rend chaud et émouvant, y apporte ce qu’il faut de souffle, de rêves et de larmes pour ne pas rester sur un plan trop intellectuel et froid. Touffue et parfois complexe, cette Ballade pour un bébé robot est longue à lire, pour bien se fondre dans ce monde étrange et comprendre les tenants et aboutissants. Mais une fois totalement immergé, on est emporté par cette fable brillante aux images puissamment évocatrices. Une bande dessinée passionnante et rare, dans le fond comme dans la forme.
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