Barthélémy, l’enfant sans âge
Petit garçon encapsulé dans un corps pluricentenaire, Bathélémy est maudit et sans espoir. Et pour cause, une fois mort, il renaît aussitôt, toujours sous la forme d’un enfant. Trop mûr pour son âge car conscient de son destin implacable, son apparence le confine pourtant à l’éternité. Un dilemme cruel, un paradoxe insoluble. Il croyait donc tout savoir de la vie mais lorsqu’il rencontre Auguste Salomon, un aventurier légendaire, et Constance, une jolie jeune fille, un monde nouveau va s’ouvrir à lui…
Se jouant des codes, le talentueux Simon Roussin creuse encore un peu plus son art du décalage après le psychédélique Lemon Jefferson ou l’expressionniste Heartbreak Valley. En sondant l’accablement de Barthélémy, puits de science aux expériences merveilleuses – il a vu le Roi Arthur, les pyramides et Hemingway – mais condamné à vivre pour toujours dans un corps d’enfant, Roussin tisse un magnifique et bouleversant récit initiatique, plein de charme désuet mais sans nostalgie pesante. Car c’est en cherchant à mourir par tous les moyens que Barthélémy va retrouver la foi et un sens à sa quête. Celle de l’enfant encore plein d’appétit pour l’action et les légendes, heureux de sillonner le monde avec ses compagnons de jeu. Le décalage naît aussi du refus de choisir un genre : à la fois feuilleton d’aventures, conte fantastique et romance tragique, Barthélémy révèle aussi une esthétique inclassable, coincée entre grande modernité et mélancolie poétique, celles des récits d’antan où un monde des possibles s’ouvrait à nous. Décalage enfin dans les émotions procurées. Drôle au début, le récit devient ensuite plus grave et s’achève en tragédie. Le pitch était donc intéressant mais Roussin a su l’exploiter avec la plus grande intelligence, sans se répéter. Avec une bichromie en vert et rouge portée par une ligne claire limpide, l’auteur trouve une profondeur bluffante, dans de magnifiques plans crépusculaires ou contemplatifs. À travers les yeux de Barthélémy, c’est donc bien un regard poétique et philosophique qui se pose sur la mort. Et dans ce contexte, la vie n’a jamais paru aussi belle.
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