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24 Comments

BD numérique et droits d’auteur : le point de vue de Casterman

31 décembre 2008 |

bd_numerique_intro2.jpgSuite du débat sur les droits d’auteur et la bande dessinée numérique. Les auteurs, via leur syndicat, ont fait part aux éditeurs de leurs inquiétudes concernant l’exploitation numérique de leurs œuvres et la rémunération qu’ils pourraient en attendre. Les éditeurs, eux, tentent de dédramatiser les choses et d’envisager l’avenir de manière positive. Même s’ils avouent que tout reste à faire dans le domaine du numérique, et qu’ils avancent en terrain inconnu. C’est ce que nous ont confirmé Christophe Noël, conseiller juridique de Casterman, et Didier Borg, responsable du label KSTR, qui a plusieurs projets d’édition digitale en tête.

Comment les éditeurs envisagent-ils l’édition numérique ?
Didier Borg : Tout le monde réfléchit à de nouvelles choses et chaque éditeur en a une vision différente. On ne peut pas donner de réponse unique aujourd’hui, car ce marché n’existe pas encore. Mais je suis heureux que le sujet soit enfin au centre des débats, car lorsque j’évoquais le numérique il y a deux ans, on me prenait pour un fou !

Plus précisément, comment voyez-vous, chez Casterman, le développement de la bande dessinée numérique ?
D.B. : Je considère que, dans ce domaine, seule la création a de l’intérêt. Mais je ne suis pas pressé de lancer un catalogue en ligne, je suis plutôt avide de comprendre comment ça marche et de trouver les solutions pour offrir un bon confort de lecture. rocher_rouge_image.jpgL’apparition d’appareils mobiles tels que l’iPhone a changé l’approche de la lecture sur écran, mais aussi celle de la narration. C’est pourquoi je réfléchis à des projets 100% numériques : j’en parle à des auteurs, je teste le travail éditorial sur un nouveau support. J’ai par exemple préparé avec Michaël Sanlaville (Hollywood Jan) un spin-off de son prochain album, Rocher rouge. Il s’agit d’une sorte de prequel à l’histoire, qui compte une centaine de cases. Il a été spécialement conçu pour un support numérique, et il fonctionne très bien.
Christophe Noël : Concernant l’aspect juridique, nous venons de terminer la vérification des près de 8000 contrats d’auteurs liés à Casterman : dans 80% des cas, nous disposons des droits d’exploitation numérique. La question se pose donc, pour les 20% restants, de savoir si l’on attend un projet concret avant de signer un nouveau contrat, ou s’il faut signer dès aujourd’hui. Bien entendu, la balance de négociation est plus ou moins déséquilibrée selon les auteurs…

Comprenez-vous la crainte de ces derniers de se voir dépossédés de leur travail, une fois qu’il sera numérisé ?
D.B. : Je pense que la numérisation massive des albums du fonds est un fantasme. Il n’est pas possible d’adapter tous les titres au téléphone mobile ! Certains font un parallèle entre la bande dessinée et le cinéma ou la musique, mais ce n’est pas comparable. En musique, le format mp3 s’est imposé. Alors qu’en bande dessinée, on ne sait pas ce qui va se passer.
C.N. : Il est vrai qu’un certain nombre d’artistes renâclent à voir leurs albums numérisés. C’est normal, car les auteurs comme les éditeurs plongent dans l’inconnu. Juridiquement aussi, il convient d’être prudent.

C’est-à-dire ?
C.N. : Il y a deux sortes d’exploitations numériques. D’un côté, les droits de reproduction sur support numérique – c’est-à-dire les scans des planches et leur diffusion numérique -, qui relèvent du contrat d’édition. De l’autre, les droits d’exploitation audiovisuelle, qui régissent toute adaptation de l’œuvre originale. Si on imagine de simples planches numérisées – lisibles sur un terminal mobile zoomant sur les dessins -, on est dans le cadre d’un droit de reproduction classique. En revanche, s’il s’agit d’un découpage case par case, avec par exemple des animations ou du son, cela peut devenir une exploitation audiovisuelle, contractuellement distincte.

comic_book_ds1.jpgLes auteurs craignent également pour leur rémunération…
C.N. : De manière classique, le créateur touche des droits d’auteur quand un éditeur exploite directement son travail, et 50% des ventes si c’est une société tierce qui l’exploite au titre des droits dérivés (licence).Mais là encore, nous sommes dans l’inconnu : personne n’a aujourd’hui d’idée très claire de ce que vont toucher les auteurs sur la vente d’une histoire numérique. Les négociations sur la répartition des droits vont se poursuivre.
D.B. : On ne sait pas non plus quel pourrait être le juste prix d’une histoire numérique ! Dans le cadre d’un projet 100% digital, j’essaie – avec les auteurs – d’inventer un équivalent de la rémunération existante pour un album papier, en me basant sur le nombre de cases réalisées.

Quels sont les projets numériques à court terme de Casterman ?
C.N. : Concernant le fonds, nous commençons à travailler avec certains titres et certains auteurs, pour voir ce qui fonctionne et ne fonctionne pas sur les nouveaux terminaux. Pour la diffusion, aucun support n’est exclu : iPhone, Nintendo DS, eBook…
D.B. : On y verra plus clair au moment du Festival d’Angoulême, quand chaque maison d’édition présentera ses idées et projets. Je reste persuadé que le développement de la bande dessinée numérique ne se fera pas sans les éditeurs. C’est à eux de donner envie aux auteurs de tester de nouveaux supports, et de les encourager dans cette nouvelle voie créative.

Propos recueillis par Benjamin Roure

Lire aussi le point de vue du Syndicat des auteurs.

Commentaires

  1. loïc

     » Plus précisément, comment voyez-vous, chez Casterman, le développement de la bande dessinée numérique ?
    D.B. : Je considère que, dans ce domaine, seule la création a de l’intérêt. »

    « D.B. – Je pense que la numérisation massive des albums du fonds est un fantasme. »

    « C.N. – Concernant le fonds, nous commençons à travailler avec certains titres… »

    J’ai beaucoup de mal à comprendre.
    Dans un premier temps, on nous explique  » dans ce domaine, seule la création a de l’intérêt. »

    Ensuite, on nous dis que la numérisation , certes massive, du fond n’est qu’un fantasme pour conclure en nous disant que l’on commence par le fond.

    Hmm…

  2. loïc

     » Plus précisément, comment voyez-vous, chez Casterman, le développement de la bande dessinée numérique ?
    D.B. : Je considère que, dans ce domaine, seule la création a de l’intérêt. »

    « D.B. – Je pense que la numérisation massive des albums du fonds est un fantasme. »

    « C.N. – Concernant le fonds, nous commençons à travailler avec certains titres… »

    J’ai beaucoup de mal à comprendre.
    Dans un premier temps, on nous explique  » dans ce domaine, seule la création a de l’intérêt. »

    Ensuite, on nous dis que la numérisation , certes massive, du fond n’est qu’un fantasme pour conclure en nous disant que l’on commence par le fond.

    Hmm…

  3. Cher Loïc,
    effectivement, il y a une petite contradiction entre les deux voix. Mais elle est presque logique: pour Didier Borg, responsable du label KSTR, c’est le travail éditorial qui prime, et donc la création POUR le support numérique. Mais pour les éditions Casterman en général, il convient de travailler sur le fonds, qui est très riche et qu’il faut valoriser, et ainsi étudier quels albums pourraient être numérisés sans trop les dénaturer.
    Mais les deux voix convergent: pas de numérisation généralisée de l’ensemble du catalogue.
    En espérant que cela vous éclaire…

  4. Cher Loïc,
    effectivement, il y a une petite contradiction entre les deux voix. Mais elle est presque logique: pour Didier Borg, responsable du label KSTR, c’est le travail éditorial qui prime, et donc la création POUR le support numérique. Mais pour les éditions Casterman en général, il convient de travailler sur le fonds, qui est très riche et qu’il faut valoriser, et ainsi étudier quels albums pourraient être numérisés sans trop les dénaturer.
    Mais les deux voix convergent: pas de numérisation généralisée de l’ensemble du catalogue.
    En espérant que cela vous éclaire…

  5. N’oublions pas tout de même que la BD numérique existe déjà « gratuitement » : en lisant ces deux articles, j’ai le sentiment que les blogs n’existent pas ou ne sont pas de la BD numérique à prendre en compte dans leur réflexion.

    Mon blog est lisible sur ipod ou sur un reader, il rassemble parfois plus de 20 000 lecteurs quotidens (sur une semaine ou un mois ça représente quand même pas mal de monde) et il est même viable économiquement grâce à la publicité.

    Mais il manque effectivement les éditeurs qui viennent en général après coup, quand le blog rencontre déjà un gros succès comme ceux de Pénélope, Laurel, Gally ou Boulet, et qui ne dirigent pas les auteurs.
    En tout cas, moi, c’est ce qui me manque le plus.

  6. N’oublions pas tout de même que la BD numérique existe déjà « gratuitement » : en lisant ces deux articles, j’ai le sentiment que les blogs n’existent pas ou ne sont pas de la BD numérique à prendre en compte dans leur réflexion.

    Mon blog est lisible sur ipod ou sur un reader, il rassemble parfois plus de 20 000 lecteurs quotidens (sur une semaine ou un mois ça représente quand même pas mal de monde) et il est même viable économiquement grâce à la publicité.

    Mais il manque effectivement les éditeurs qui viennent en général après coup, quand le blog rencontre déjà un gros succès comme ceux de Pénélope, Laurel, Gally ou Boulet, et qui ne dirigent pas les auteurs.
    En tout cas, moi, c’est ce qui me manque le plus.

  7. Hello Martin,
    et merci d’apporter votre contribution au débat. Effectivement, la BD numérique existe sur les blogs, et les éditeurs ne les oublient pas. Didier Borg m’en a ainsi longuement parlé, mais cela sortait du sujet qui nous intéressait aujourd’hui. Peut-être que l’évolution de la BD numérique passera aussi par des blogs « dirigés » par des éditeurs, qui auraient, pourquoi pas, une section payante/sur abonnement, permettant une plus juste rémunération… Qu’en pensez-vous?

  8. Hello Martin,
    et merci d’apporter votre contribution au débat. Effectivement, la BD numérique existe sur les blogs, et les éditeurs ne les oublient pas. Didier Borg m’en a ainsi longuement parlé, mais cela sortait du sujet qui nous intéressait aujourd’hui. Peut-être que l’évolution de la BD numérique passera aussi par des blogs « dirigés » par des éditeurs, qui auraient, pourquoi pas, une section payante/sur abonnement, permettant une plus juste rémunération… Qu’en pensez-vous?

  9. L’abonnement payant pour une BD en ligne me semble peut-être un peu prématuré. Je ne connais pas d’exemple viable de « sections privées » payantes pour des sites de BD, mais pourquoi pas si cela permet de se passer de la pub.

    Actuellement, le modèle du blog gratuit compilé ensuite en recueil papier (souvent agrémenté de bonus) semble plutôt bien fonctionner. Pour de jeunes auteurs, il permet en tout cas d’atteindre des chiffres de ventes inespérés. Si l’on regarde le top des blogs BD de wikio (http://www.wikio.fr/blogs/top/bd), je dénombre une dizaine d’adaptation ou de projet d’adaptation papier parmi les 15 premier blogs d’auteurs, sans aucune perte, à ma connaissance, pour les éditeurs qui ont « risqué » ce pari, bien au contraire.

    Je regrette surtout que les éditeurs se limitent dans ces cas précis à compiler et imprimer les recueils. Il y a aussi des avantages à travailler seul mais à titre personnel, j’aurais parfois besoin de conseil, d’un regard critique un peu plus « pro » que celui de mes lecteurs pour prendre un peu de recul et aussi, je l’avoue, de quelques coups de pieds aux fesses que je n’arrive pas à me donner tout seul.

  10. L’abonnement payant pour une BD en ligne me semble peut-être un peu prématuré. Je ne connais pas d’exemple viable de « sections privées » payantes pour des sites de BD, mais pourquoi pas si cela permet de se passer de la pub.

    Actuellement, le modèle du blog gratuit compilé ensuite en recueil papier (souvent agrémenté de bonus) semble plutôt bien fonctionner. Pour de jeunes auteurs, il permet en tout cas d’atteindre des chiffres de ventes inespérés. Si l’on regarde le top des blogs BD de wikio (http://www.wikio.fr/blogs/top/bd), je dénombre une dizaine d’adaptation ou de projet d’adaptation papier parmi les 15 premier blogs d’auteurs, sans aucune perte, à ma connaissance, pour les éditeurs qui ont « risqué » ce pari, bien au contraire.

    Je regrette surtout que les éditeurs se limitent dans ces cas précis à compiler et imprimer les recueils. Il y a aussi des avantages à travailler seul mais à titre personnel, j’aurais parfois besoin de conseil, d’un regard critique un peu plus « pro » que celui de mes lecteurs pour prendre un peu de recul et aussi, je l’avoue, de quelques coups de pieds aux fesses que je n’arrive pas à me donner tout seul.

  11. Kris

    Juste pour Martin : les questions concernaient avant tout la façon dont le passage au numérique peut/doit se faire dans les années à venir au niveau contractuel et, partant de là, les divergences de vue entre le SNE (représentant certains éditeurs mais pas tous) et le SNAC. Nous n’avons donc pas développé la question des blogs et de l’auto-édition numérique qui mériterait évidemment plus que quelques lignes au passage. Mais Bo-Doï ne s’arrêtera sûrement pas en si bon chemin et d’autres articles sur le vaste dossier numérique sont certainement à prévoir, non ?… :o)

    Au demeurant, tes réflexions rejoignent ce que nous avons signalé : sur la création/diffusion numérique en bande dessinée, ce sont bien avant tout les auteurs (du moins certains d’entre eux) qui ouvrent des voies depuis plusieurs années. D’où la nécessité pour les éditeurs d’entendre réellement ce que les auteurs ont à dire sur le sujet.

  12. Kris

    Juste pour Martin : les questions concernaient avant tout la façon dont le passage au numérique peut/doit se faire dans les années à venir au niveau contractuel et, partant de là, les divergences de vue entre le SNE (représentant certains éditeurs mais pas tous) et le SNAC. Nous n’avons donc pas développé la question des blogs et de l’auto-édition numérique qui mériterait évidemment plus que quelques lignes au passage. Mais Bo-Doï ne s’arrêtera sûrement pas en si bon chemin et d’autres articles sur le vaste dossier numérique sont certainement à prévoir, non ?… :o)

    Au demeurant, tes réflexions rejoignent ce que nous avons signalé : sur la création/diffusion numérique en bande dessinée, ce sont bien avant tout les auteurs (du moins certains d’entre eux) qui ouvrent des voies depuis plusieurs années. D’où la nécessité pour les éditeurs d’entendre réellement ce que les auteurs ont à dire sur le sujet.

  13. loic

    Benjamin Roure ,
    en effet, Didier Borg se charge de l’édito et Christophe Noël de la partie juridique.
    Il n’en reste pas moins que les deux intervenants travaillent pour la même structure.
    Les lignes stratégiques doivent logiquement être les mêmes.

    Vous m’autoriserez à être surpris de cette divergence ?

  14. loic

    Benjamin Roure ,
    en effet, Didier Borg se charge de l’édito et Christophe Noël de la partie juridique.
    Il n’en reste pas moins que les deux intervenants travaillent pour la même structure.
    Les lignes stratégiques doivent logiquement être les mêmes.

    Vous m’autoriserez à être surpris de cette divergence ?

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