Béatrice est une pimpante vendeuse de gants dans un grand magasin chic. Son train-train de célibataire, métro-boulot-dodo, est un jour perturbé par la découverte d’un étrange sac rouge oublié dans un hall de gare. À l’intérieur, un album photo, des clichés souvenirs d’une belle histoire d’amour, pendant les années 1920 probablement. À force de détailler les images en noir et blanc, elle se plaît à imaginer la vie de la jolie brune des photos. Puis, en retrouvant un des lieux immortalisés dans l’album, elle va littéralement être propulsée dans le passé, dans la peau de cette jeune femme.

Pour son premier album de bande dessinée, le photographe et graphiste Joris Mertens, passé par le cinéma et la télévision, propose un livre muet dont la grande force narrative repose sur le découpage, les cadrages et les expressions. En effet, jamais son histoire n’a besoin de mots pour être comprise ni interprétée ; tout est fluide, bien composé, des détails aux décors (beaux intérieurs, très belles grandes vues urbaines), dans un style très crayonné éclatant. On parcourt ainsi Béatrice avec plaisir, celui des yeux et de l’imagination, pour combler les ellipses et faire résonner musique, rires et larmes. Toutefois, une fois refermé, avec une révélation finale un peu attendue, on constate que, si l’exercice de style est parfaitement réalisé, il n’en reste qu’une émotion assez fugitive. Un album vite lu, un moment d’évasion agréable, et c’est à peu près tout. Si on voit le verre à moitié plein, on peut se dire que c’est déjà une réussite. Si on voit le verre à moitié vide, on reste franchement sur sa faim.