Beaux livres pour Noël 2024
Vite ! Il faut bientôt garnir le pied du sapin ! Si vous trouverez plein d’idées dans nos top de fin d’année, voici une petite liste complémentaire avec des intégrales ou ouvrages autour du 9e art.
Zep – Dessiner le monde
Entre livre d’entretiens et plongée dans l’art du dessin de Zep, cet imposant ouvrage écrit par Romain Brethes est à la fois un régal pour les yeux et une mise en lumière poussé de ce qui anime l’auteur suisse depuis qu’il s’est ouvert le champ de la BD adulte et du dessin réaliste. Au fil d’interviews précises, informatives et agréables à lire, on en apprend plus sur la carrière du créateur de Titeuf, sur les réflexions qui l’ont mené à produire notamment Un bruit étrange et beau ou ses histoires de SF The End et Ce que nous sommes, mais aussi sur sa pratique du dessin. Ce sont d’ailleurs des extraits de planches crayonnées, de nombreux carnets à l’aquarelle, de storyboards, des reproductions de cases ou de détails en grand format, ou même d’études de nus, qui impressionnent dans cet album si élégant : Zep est un immense dessinateur (on le savait et l’expo de Bastia 2023 l’avait bien confirmé), et cet écrin lui rend un parfait hommage.
Rue de Sèvres, 168 p., 39 €.
Garçonnes
Historienne de la BD américaine, Trina Robbins, décédée en avril 2024 à l’âge de 85 ans, a mis en lumière dans cet ouvrage « les autrices oubliées des années folles », qui peignaient la modernité féminine en action, à une époque où les jupes comme les cheveux raccourcissaient, et où la Première Guerre mondiale avait prouvé que les femmes pouvaient largement suppléer les hommes occupés ailleurs. Cet ouvrage classieux publié en VF par Bliss montre le travail de ces pionnières qui ont investi les pages des quotidiens américains des années 1920, telles Nell Brinkley, Fay King ou Ethel Hays, pour des histoires humoristiques ou romantiques, dans lesquelles il était souvent question de mode car là résidait alors l’intérêt premier des lectrices, disait-on. Au-delà de ces figures imposées, on admire le trait parfois avant-gardiste de ces artistes, et dont l’esthétique a essaimé durablement sur la planète dessin. Un ouvrage original sélectionné à juste titre pour le Fauve du Patrimoine au prochain Festival d’Angoulême.
Bliss éd., 168 p., 39 €.
Génération Lou !
Le personnage phare de Julien Neel, Lou, a fêté ses 20 ans cette année. Après des expos à Lyon et Angoulême, le gros et beau morceau de cet anniversaire est la parution de cette somme : un art-book intimiste de 300 pages, dans lequel Julien Neel ouvre ses carnets. Car l’auteur ne cesse de dessiner, tester des choses, créer des images jour après jour pour faire jaillir les idées ou juste pour exprimer ses sentiments du moment. Le présent volume dévoile donc une sélection de 20 ans de dessins pour soi, dans lesquels on voit naître des figures récurrentes de sa série, où il se croque lui-même, teste des techniques, dialogue avec son héroïne… À cela s’ajoute une interview toute fraîche par sa collaboratrice et compagne Carole, ainsi que trois histoires inédites, dont le prélude au troisième tome Lou Sonata… Un must.
Glénat, 304 p., 25 €.
Cinq contes
Excellente idée des éditions Denoël Graphic que de publier ce recueil de cinq contes, parmi la dizaine qu’a dessinés Posy Simmonds, juste avant que le Festival d’Angoulême ne célèbre son Grand Prix de l’an dernier, par une exposition fin janvier. Cinq histoires entre récits illustrés et bande dessinée, dans son style si singulier, à la fois léger et ironique, rafraîchissant et piquant, so british s’il en est. Et si ces contes s’adressent d’abord aux enfants, gageons que tous les amateurs de l’autrice de Tamara Drewe ou Cassandra Darke y trouveront aussi leur bonheur. Comme une friandise à partager en famille à Noël.
Denoël Graphic, 144 p., 26 €.
Les Sorcières de Venise / Le Portrait de Dorian Gray
Les fans de l’univers sombre de l’illustrateur Benjamin Lacombe vont être ravis. Alors qu’il sortira La Belle et la Bête chez Albin Michel en début d’année, c’est chez Gallimard qu’il ouvre une nouvelle collection : Papillon noir. Celle-ci publiera des classiques illustrés « revisités, réinterprétés, parfois même métamorphosés » et promet « des livres qui offriront aux lecteurs des expériences visuelles, sensorielles et intellectuelles inédites ». Sans être non plus une révolution, force est de constater que les premiers titres sont aussi beaux et envoûtants qu’espérés. Benjamin Lacombe illustre lui-même Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, dans une ambiance vénéneuse et un objet léché. Mais l’album qui retient le plus l’attention, certainement, est Les Sorcières de Venise, de Sébastien Perez, illustré par Marco Mazzoni. Récit d’anticipation aux forts accents fantastiques, il propose un voyage dans le futur et le passé, à travers une mise en page audacieuse, faisant la part belle au trait étrange et hypnotique de l’artiste italien, avec différents papiers au sein du même ouvrage à la couverture scintillante. Impressionnant.
Le Portrait de Dorian Gray – 248 p., 35 €. Les Sorcières de Venise, 128 p., 27 €.
Humanos : 50 ans, toujours vivants
Un demi-siècle, ça se fête ! Si Les Humanoïdes associés ne brillent guère ces derniers temps par la qualité de leurs nouvelles BD, il faut bien constater qu’ils ont un fonds de catalogue incomparable. À l’occasion de leurs 50 ans, ils rééditent ainsi en intégrale Les Mondes d’Arkadi de Caza (49 €) ou Le Bibendum Céleste de Nicolas de Crécy (45 €), mais aussi le classique parmi les classiques Arzach de Moebius, dans une version sobre reprenant les quatre nouvelles graphiques muettes et psychédéliques telles que publiées dans Métal Hurlant en 1975 et 1976 (29 €). Enfin, si vous cherchez de l’inédit, préférez les journaux-posters créés pour l’anniversaire, Des lendemains qui hurlent, un sympathique format avec interviews, portraits et infos sur l’épopée Humanos, qui se déploie en poster géant (7,50 €). Celui du premier numéro est signé Julien Loïs.
Dans les petits papiers de Margerin
Lui aussi est passé par les pages de Métal Hurlant : Frank Margerin dévoile les coulisses de sa création, dans ce volume regroupant des centaines de croquis du créateur de Lucien. « Mes petits crobards, j’en ai plein mes cartons, mes carnets, dans mon agenda sur n’importe quel bout de papier qui traîne à ma portée« , raconte-t-il en préface. Ces silhouettes et décors griffonnés lui serviront parfois ensuite à faire naître une histoire ou une illustration. Quelque 400 de ces petits dessins secrets sont compilés selon des thèmes (la bécane, le sport, la musique, le troquet) ou des personnages (Lucien, Momo) ou son travail sur des affiches. De quoi ravir les inconditionnels de Margerin.
Robinson, 192 p., 29,99 €.
De « La Caricature » à « Charlie Hebdo »
Soyons honnête, on n’a pas eu le temps de lire cette volumineuse Histoire du dessin politique et d’actualité (1830-2015) signée Yves Frémion. Mais rien qu’en parcourant cette encyclopédie chronologique, qui dresse le portrait de journaux tels Le Charivari, L’Assiette au beurre, La Baïonnette, puis Le Canard enchaîné ou Charlie Hebdo, mais aussi des artistes qui les animaient, tels Honoré Daumier, André Gill, Jules Grandjouan, Gus Bofa, Paul Iribe, jusqu’à Pétillon et Mix & Remix, en passant par Moisan, Siné, Reiser, Cabu ou Wolinski, on mesure l’ampleur du travail et l’ambition de l’exhaustivité en même temps que de la synthèse, gageure s’il en est. Et ce, doté d’une riche iconographie, permettant un voyage dans le temps du trait et de l’humour, sans occulter que certains de ces traits d’humour apparaissent aujourd’hui soit terriblement modernes, soit d’une époque heureusement révolue…
Glénat, 400 p., 49 €.
Fluide Glacial – 50 ans de couvertures
Dans la foulée des Humanos, le magazine Fluide Glacial va lui aussi fêter ses 50 ans, tout au long de l’année 2025. Pour ouvrir le gueuleton, la maison d’édition publie sous la forme d’un beau livre une anthologie des meilleures couvertures des cinq décennies, commentées par Jean-Christophe Delpierre, ex-rédacteur en chef. De la première en 1975 signée, évidemment, par Gotlib, jusqu’à celle de février 2024 de la patte d’Étienne Le Roux et Mab, l’ouvrage offre un focus joyeux sur les auteurs qui ont marqué la publication, tels Alexis, Coyote, Edika, Tronchet, Dupuy-Berberian, Blutch, Charb, Solé, Sattouf, Bouzard, Lindingre et Larcenet, Boucq, De Pins… Une chouette rétrospective d’umour & bandessinées.
Fluide Glacial, 176 p., 34,90 €.
Le Ver de terre amoureux d’une étoile
Dans la lignée de leurs albums patrimoniaux avec la BnF (Dans l’infini et La Fée Bijou de G.Ri, Le Mirliton merveilleux de Jules Rostaing et Telory…), les éditions 2024 publient dans un grand format à la couverture soyeuse et au très beau papier, un recueil de bandes dessinées de Benjamin Rabier, dessinateur animalier génial et hyper productif, célèbre pour son personnage du canard Gédéon et son portrait de la Vache-qui-Rit. On retrouve ici de nombreuses histoires courtes humoristiques publiées entre 1895 et 1922, souvent pleines de trouvailles graphiques et narratives, par des jeux d’échelle, de cadrage, de répétition, avec toujours une chute cocasse. Un régal pour les yeux devant ces planches parfaitement reproduites, et un jalon passionnant dans l’histoire du 9e art.
Éditions 2024 et BnF, 96 p., 35 €.
L’Art érotique de Leone Frollo, vol. 1
Tout est dans le titre. Pour amateurs avisés exclusivement, ce volume sobre offre une élégante collection de belles et affriolantes images du Maître du Rialto, surnom donné à cet artiste vénitien (1931-2018), resté célèbre pour de nombreuses bandes dessinées érotiques telles Casino ou Mona Street (lire ici, là et encore ici). Point de BD ici, juste une compilation de dessins à l’encre, aux crayons de couleurs, à l’aquarelle, autour de fantasmes très masculins tels le fouet, l’exhibition ou la langue… Mais au-delà des postures et sujets un brin datés, c’est bien le talent de dessinateur de Leone Frollo qui saute aux yeux, ainsi que son goût pour les accessoires de mode et les motifs décoratifs.
Glénat/Lo Scarabeo, 120 p., 30 €.
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