Beaux livres pour Noël : des illustrations plein les yeux
Après une première sélection dédiée à l’humour, voici une nouvelle liste de beaux livres à glisser au pied du sapin, consacré à de beaux ouvrages d’illustration. Entre peinture, cinéma, jeux vidéo et contes…
Delacroix
« Delacroix fut toute sa vie en art ce qu’on appelle en politique un « fait de guerre » et un « cas de guerre ». Ses croquis furent des escarmouches, ses dessins des combats, ses tableaux des batailles. » Avec une langue truculente, toujours accessible, Alexandre Dumas parle ainsi de son ami Eugène, dont il admira la peinture. Catherine Meurisse (Le Pont des arts, La Légèreté, Les Grands Espaces…) a eu la riche idée, pendant ses études d’art, d’illustrer cette « causerie » de l’auteur des Trois Mousquetaires. Une quinzaine d’années plus tard, elle remet son ouvrage sur le métier, y ajoutant de la couleur, avec de véritables peintures. Elle n’imite jamais Delacroix, mais l’évoque pleinement, avec un humour piquant et des styles picturaux variés, pleins de grâce.
Par Catherine Meurisse et Alexandre Dumas. Dargaud, 140 par., 21€.
Sumographie
C’est peut-être là le plus beau des beaux livres de 2019. Depuis plusieurs années, sur invitation de l’association bordelaise Regard 9, puis du Pulp Festival de la Ferme du Buisson et de la Maison de la culture d’Amiens, David Prudhomme dessine des sumos : leurs entraînements, leurs rituels, leurs combats, leur silhouette, leur regard… Des images produites au Japon, mais aussi de retour en France, sous l’impulsion des instantanés sensitifs gravés dans sa mémoire. Formats différents, techniques variées (encre de Chine, mine de plomb, pastels à la cire…), illustrations seules ou enchaînements narratifs, ses dessins de sumos ont pris corps dans des espaces scénographiés et prennent une nouvelle dimension encore dans de ce très bel ouvrage publié par la collection Noctambule des éditions Soleil. L’objet est en effet somptueux et l’impression impeccable : papier épais, pages à déplier en hauteur ou en largeur, leporello caché, cahier de papier léger pour des portraits au style proche de l’estampe… On ne se lasse pas de croiser tous ces lutteurs, de dos, de face, de côté, en action ou au repos, tant les poses choisies sont variées, et parce que David Prudhomme joue sur deux tableaux, le dessin de reportage et la recherche plastique autour de son sujet. Et si on ne connaît rien au sumo, les textes concis et limpides de Sonia Déchamps apportent l’essentiel des informations pour comprendre l’importance de cette discipline dans la culture japonaise. Et pourquoi ce décorum et ces corps massifs ont pu fasciner à ce point un auteur décidemment plein de surprises (voir ses autres actualités récentes, L’Oisiveraie à l’Association et sa performance dans la grotte de Lascaux).
Par David Prudhomme et Sonia Déchamps. Soleil/Noctambule, 208 p., 39,95 €.
Krosmoz 15 ans
En 2004, le petit studio nordiste Ankama sortait un jeu en ligne, Dofus. En quelques années, il est devenu un hit des jeux massivement multijoueurs, et a commencé à essaimer, sous d’autres formes, et avec d’autres univers. Il y a eu Wakfu. Et cette année, Waven. Cet artbook vient célébrer 15 ans de création forcenée : sur 352 pages, on parcourt les ambiances, les mondes, les styles et les supports (magazines, mangas, jeux vidéo, dessins animés), avec son lot de grosses épées, de créatures ahurissantes et de décors chatoyants. Et toujours cette touche Ankama : de l’humour, de l’énergie, pas mal de magie et une vraie tendresse. Ce gros volume, qui reprend par sa facture d’autres artbooks publiés par la maison sous le label CFSL (grand, lourd, souple), se laisse déguster avec plaisir double : nostalgique pour ceux qui vont vécu ces 15 ans d’aventure, excitant pour tous les jeunes qui aspirent à créer de tels univers pop, car voilà la preuve qu’on peut faire naître des projets cross-médias innovants et de dimension mondiale ici, en France.
Collectif. Ankama, 352 p., 34,90 €.
Mirages – Tout l’art de Laurent Durieux
Il a réalisé les couleurs du Blake & Mortimer de François Schuiten, mais Laurent Durieux n’est pas un auteur de bande dessinée. Pourtant, son talent pour le dessin et son goût d’enfant et d’ado pour le 9e art auraient pu le destiner à une brillante carrière. Mais c’est dans la graphisme que ce Belge s’est épanoui. Il a même, depuis quelques années, « explosé » en réalisant des affiches alternatives de films, qui s’arrachent sur le petit marché du poster de collection. Spielberg et Coppola (qui signe la préface, la classe) louent son travail, et les commandes pleuvent sur cet affichiste au style rétrofuturiste ultra-léché, qui réussit toujours à proposer un regard pertinent, nouveau et parfois audacieux sur des classiques comme Les Oiseaux, Jaws, Voyage au bout de l’enfer, Pulp Fiction et même Bambi. Le très beau livre, bilingue français/anglais, publié par Huginn & Muninn rend un bel hommage à son travail : 250 pages au beau papier et à l’impression soignée, qui reproduisent un grand nombre de ses affiches (ah! ces visions de Shining!) et illustrations pour des musées ou expos (les Utopiales à Nantes, en 2017, par exemple), avec des explications de l’artiste lui-même sur ses sources d’inspiration, et des textes de Nicolas Tellop. Lumineux.
Par Laurent Durieux et Nicolas Tellop. Huginn & Muninn, 258 p., 44,95 €.
Histoires de fantômes du Japon
Le talentueux Benjamin Lacombe se plonge en cette fin d’année dans des Histoires de fantômes du Japon, collectées et rédigées par Lafcadio Hearn, écrivain du XIXe siècle qui a largement participé à diffuser la culture japonaise en Occident. Dans le présent ouvrage, à l’édition soignée (dos toilé et scintillant, impression lumineuse), on retrouve plusieurs contes envoûtants et effrayants, aux titres évocateurs : Le Magasin de porcelaine hanté par la haine, Le Fantôme sans visage, Sur la montagne des crânes d’hommes, Le Fantôme à la tête coupée… Autour de ces histoires à faire frémir le lecteur le plus aguerri, Benjamin Lacombe déploie des techniques variées pour offrir des images tantôt expressionnistes tantôt minimalistes, et souvent en résonance avec l’art pictural japonais, notamment des estampes. Il ne singe pas mais adapte, limite sa gamme chromatique pour jouer sur la magie du trait ou sur le contraste d’une irruption de bleu fantasmagorique dans un noir oppressant. C’est superbe et hypnotique. Et à ces récits illustrés s’ajoutent des réinterprétations de « jeux de yokaï » en fin d’ouvrage, singulières et tout aussi sublimes.
Par Benjamin Lacombe et Lafcadio Hearn. Soleil/Métamorphose, 192 p., 29,95 €.
James Cameron – Histoire de la science-fiction.
Voilà un beau livre plein d’informations et d’illustrations sur le cinéma et la science-fiction, genre phare des plus gros blockbusters hollywoodiens. Tiré d’une série documentaire produite par AMC et diffusée l’année dernière sur Sundance TV (inédite en France), ce livre s’ouvre sur une interview de James Cameron. Le réalisateur s’est à son tour entretenu, sur l’histoire et de l’évolution de la SF, avec six pointures du cinéma américain : Guillermo del Toro, George Lucas, Christopher Nolan, Arnold Schwarzenegger, Ridley Scott et Steven Spielberg. Les échanges entre tous ces passionnés sont fascinants. Ils nous entraînent évidemment dans leurs influences et leurs films, mais aussi dans les multiples thèmes dont fourmille le genre. Ils évoquent leurs œuvres préférées, ce qu’ils aiment dans le genre, ils dévoilent des anecdotes et des analyses pertinentes. Bonus, ces retranscriptions sont entrecoupées par des textes qui reviennent sur les éléments clés du genre comme les monstres, le futur, les extraterrestres, les voyages temporels, l’espace, les mondes post-apocalyptiques ou l’intelligence artificielle.
Par James Cameron, Mana books, 224 p., 29,90 €.
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