Bepi Vigna, artisan du fumetto
On ne le connaît pas ou très peu en France, mais Bepi Vigna est un pilier du fumetto, la bande dessinée italienne. Né en 1957 dans les montagnes sardes, cet ancien avocat, journaliste, cinéaste et professeur de bande dessinée, est le co-créateur et scénariste en chef de la série italienne de science-fiction Nathan Never. Un fumetto au succès qui ne se dément pas depuis 20 ans. Mais qu’est-ce qu’un fumetto, exactement, et comment fonctionne le marché italien de la BD? Explications par un auteur prolifique et très occupé.
Qui est Nathan Never ?
Le personnage de Nathan Never est un agent spécial à la solde d’Alfa, une agence de sécurité et de vigilance qui garantit l’ordre public et la sécurité des citoyens. Dans son monde, l’humanité a colonisé la Lune, Mars et des stations orbitales. Nathan n’est pas le héros classique, fait d’un seul bloc, mais un personnage complexe, qui traîne derrière lui un passé douloureux. Il se sent responsable de la mort de sa femme et des problèmes psychologiques de sa fille: elle furent victimes d’un criminel alors que lui se trouvait avec sa maîtresse.
Comment ce personnage est-il né ?
Avec Antonio Serra et Michele Medda (image ci-dessous, les trois auteurs), nous collaborions avec la maison d’édition Bonelli sur les séries Martin Mystère et Dylan Dog, quand, en 1989, nous avons décidé de proposer notre propre titre. Bonelli n’avait pas de science-fiction au catalogue et nous étions passionnés par ce genre. Nous voulions retrouver l’atmosphère de films comme Blade Runner ou des romans de William Gibson, le père du genre cyberpunk.
Quel succès rencontre la série en Italie ?
Dans sa catégorie, Nathan Never est dépassé seulement par Tex et Dylan Dog (aussi chez Bonelli). Nous vendons aujourd’hui environ 50 000 copies par mois pour la série principale, mais au début des années 1990, âge d’or pour le fumetto, nous avons dépassé les 300 000 exemplaires mensuels. Nathan Never est le plus grand succès éditorial du fumetto des vingt dernières années. La série est publiée en Espagne, en Croatie et en Turquie. Par le passé, elle a aussi été traduite aux États-Unis, en France (au début des années 1990 chez Glénat) et au Brésil. En plus de la série principale, il y a des spin-offs autour des personnages secondaires.
Quel est votre rôle précis dans la création de la série ?
Depuis le lancement de Nathan Never, j’interviens en tant que scénariste régulier sur les différentes séries. Et c’est moi qui, avec les deux autres créateurs, décide des tournants et développements de cet univers. Pour l’ensemble de la galaxie Nathan Never, nous avons une équipe de cinq scénaristes et une dizaine de dessinateurs, disséminés dans toute l’Italie. Je m’occupe aussi de la publication en parallèle d’Asteroide Argo, que je conçois de A à Z.
Comment fonctionne la marché de la bande dessinée en Italie ?
Les fumetti sont distribués dans les kiosques et coûtent entre 2 et 5 €. Il s’agit d’albums en noir et blanc qui ont un très grand succès auprès du public, à tel point qu’on peut les considérer comme un genre narratif majeur en Italie! Chaque album compte au moins 96 pages : la charge de travail des auteurs est donc énorme. En revanche, le grand format à la française est très peu répandu en Italie. Mais il arrive que des éditeurs généralistes achètent les droits de nos bandes dessinées pour les sortir en librairies, dans une édition élégante avec des pages en couleur. Les choses changent donc peu à peu, notamment avec le succès des romans graphiques. La méfiance vis-à-vis du fumetto recule.
Quels sont vos projets ?
J’écris actuellement une mini-série qui réinvente les origines de Nathan Never et qui devrait voir le jour l’année prochaine. Je travaille aussi sur des romans graphiques qui seront distribués en librairies. J’achève par ailleurs un nouveau roman et je prépare un film dont le tournage devrait commencer avant l’été.
Propos recueillis par Eloïse Fagard
Pour en savoir plus :
www.sergiobonellieditore.it
www.hybriscomics.com
Images © Sergio Bonelli Editore / Photo © Eloïse Fagard
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