Black Dog, les rêves de Paul Nash
Paul Nash était un peintre anglais surréaliste, qui officia aussi comme peintre militaire officiel, durant les deux conflits mondiaux. C’est dans cette sombre carrière, plus particulièrement lors de la Première Guerre mondiale, que Dave McKean s’est plongé, pour un travail de commande autour des célébrations du centenaire de 14-18. D’abord projet multimédia, Black Dog est devenu un livre, une bande dessinée hors norme aussi belle qu’éprouvante.
En une quinzaine de chapitres comme autant de rêves racontés tels des poèmes, Dave McKean évoque la difficile scolarité de Nash, sa vocation de peintre et ses relations avec le milieu de l’art, son départ pour le front, ses blessures, et surtout ses angoisses et sa dépression. Cette sensation permanente que tout peut basculer, en un éclair, de la vie à la mort, du plaisir à la douleur inextinguible. Qu’un homme marchant à ses côtés peut, le pas suivant, s’écrouler le crâne emporté par une balle ou un éclat d’obus. Dans des planches impressionnantes, à la technique bien particulière entre peinture, dessin, photo et manipulation informatique, le dessinateur de Cages ou Arkham Asylum donne corps à l’esprit torturé de Nash, dans un style volontiers expressionniste (on pense aux peintres Grosz ou Dix, mais aussi à Ernst et Chirico pour le côté surréaliste). Le résultat graphique est superbe et on peut passer beaucoup de temps à détailler ces pages d’une grande richesse, toujours variées dans la mise en scène ou la technique employée, pleines de détails maniaques. Le texte, lui, est plus difficile à suivre, écrit tout petit dans un registre poétique parfois obscur et hermétique. Ce qui, associé aux thématiques morbides abordés, peut parfois être un peu rebutant. Mais l’ensemble est si cohérent et d’une inventivité formelle telle qu’on ne peut que s’incliner devant tant de talent et d’audace.
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