Par Pierre Maurel. L’Employé du Moi, 14,90 €, avril 2011.

Qu’arriverait-il si la loi sur le prix unique du livre était abrogée ? Que se passerait-il si l’auto-édition était interdite, sous prétexte de protéger les bonnes gens de la subversion présumée de certains écrits ? La fin des fanzines est-elle possible ? Comment les auteurs-éditeurs engagés pourraient alors se faire entendre et diffuser leurs créations ? Ce sont ces questions que posent Pierre Maurel dans Blackbird, une fiction pas si éloignée de la réalité. Et qui fait froid dans le dos.

On suit ainsi une bande de fanzineux motivés, qui produisent avec leurs tripes et une photocopieuse un périodique de bandes dessinées, déposé chez les libraires et disquaires ouverts d’esprit. Bien sûr, la plupart aimeraient devenir des auteurs reconnus, et publier de « vrais » livres. Mais le vote de lois restrictives et répressives va tout bousculer, les amitiés, les engagements, l’avenir de cette petite troupe.

Avec intelligence, précision et aussi ce qu’il faut de naïveté pour doper son récit, Pierre Maurel parvient à faire vivre des personnages crédibles, dans un monde trop palpable pour ne pas être effrayant. Car cette société qui grignote peu à peu les libertés fondamentales, sous prétexte de libérer le droit du commerce, c’est la nôtre – ou vraiment pas loin. Le talent de l’auteur est aussi de ne pas proposer une histoire paranoïaque, ni cafardeuse. La question de la résistance et de ses limites s’y glisse subtilement, décrivant les bonnes problématiques sans jamais être sentencieux ou moralisateur. Le dessin souple et le noir et blanc sobre participent bien sûr à la légèreté grave et au ton rock’n’roll qui planent sur l’ensemble. Un livre au propos pertinent et au récit bien mené: c’est ce qu’on appelle une franche réussite, une bande dessinée à lire absolument.

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