Blédard sur Seine #1
Jeune homme curieux arrivant au terme de ses études d’art, Leni décide de rendre hommage aux « blédards », ces banlieusards un peu paumés ou déglingués qui font partie de sa vie. Il part alors en immersion dans la cité de Blédard-sur-Seine, condensé fictif de communautés de tous horizons, peuplée de personnages hauts en couleurs, aussi débiles qu’attachants.
Voilà un livre hors norme, par sa taille et son contenu. Près de 600 pages couleurs, en très grand format, avec des fascicules insérés, et même des QR codes à flasher pour voir des petites séquences animées. Il s’agit là de la version album du colossal travail de fin d’études de Leni Malki à l’école Penninghen (design et direction artistique), réalisé en un temps record et léché dans les moindres détails (sauf les fautes de grammaire et d’orthographe, pas toutes corrigées hélas). L’objet est impressionnant et le graphisme – quelque part entre South Park, l’art brut et la culture graff – assez attrayant. Le ton aussi, gentiment moqueur et décalé, mais plein d’empathie pour les personnages de paumés qui arpentent ces pages. Mais très vite, le doute s’installe. Et l’impression se confirme chapitre après chapitre, en même temps qu’arrive la lassitude. Blédard sur Seine est davantage un catalogue potache qu’une bande dessinée, son scénario n’étant qu’un prétexte à imaginer des portraits loufoques dans des décors qui le sont tout autant. Pourquoi pas. Mais sur cette longueur, le projet manque paradoxalement d’épaisseur et de fond : Leni Malki enchaîne les inventaires jusqu’à plus soif (les menus du kebab, les DVD X du vidéo-club, le cannabis du gang, le matériel du savant fou…), les portraits pleine page qui finissent par se ressembler, et sa trame narrative qui emprunte sa forme à la progression d’un héros de jeu vidéo est vite ennuyeuse. La curiosité s’émousse donc au fil des pages, le sourire aussi, car les blagues sont toujours du même ressort et s’appuient sur des clichés tenaces : l’Asiat’ spécialiste soit en légumes soit en électronique, la famille d’Italiens entre pizzeria et salon de coiffure, sans parler de la quasi absence de personnages féminins – outre la patronne de bistrot accro aux ragots, pfff… Alors, on doit être indulgent face à ce qui n’est qu’un premier livre, et saluer une audace graphique réelle. Mais on ne peut que regretter que ce premier tome n’ait pas été raccourci, repensé en termes de format et de rythme, pour gagner en densité et en finesse. Car il finit franchement par sortir par les yeux et il ne le mérite pas.
Publiez un commentaire