Bloodshot Reborn #1-4
Bloodshot, sorte de Frankenstein aux yeux rouges et à la peau blanche, a été conçu pour tuer. Indestructible et privé d’empathie, il se régénère grâce à des nanites injectées dans son corps tandis que de faux souvenirs l’empêchent de mener une existence propre. À l’origine du P.R.S. (Projet Rising Spirit), un groupe paramilitaire dissident qui a pour ambition de remodeler le monde… Redevenu simple mortel mais en proie au mal être et à des visions d’horreur, Bloodshot est confronté à une vague de meurtres qui réveille en lui un trouble passé…
Jeff Lemire s’est taillé une solide réputation dans le monde des comics (Descender, Winter Road, Trillium) entre comics indé en vogue et romans graphiques plus intimistes. Le voilà au scénario d’une nouvelle série grand public divertissante et plutôt bien vue, qui fait un carton outre-Atlantique (suite de The Valiant). Une trame simple : une organisation complotiste qui manipule Bloodshot et un homme qui se révèle à lui-même, en proie à un dilemme intérieur. Qui est-il ? Une simple machine à tuer ou Ray Garrison, un homme doté d’empathie pour ses semblables ? Ray lutte donc contre ses démons, révélés par des femmes (Kay, Magic, la « reloumancienne ») et s’expose à la tentation de replonger dans son passé d’ancien soldat. Cerné par des cauchemars, il tente de remonter le fil d’une existence qui lui échappe.
Un scénario classique pour Jeff Lemire où se mélangent SF, chronique sociale et drame psychologique. Une tendance aussi à en faire beaucoup dans l’exposé des enjeux d’une intrigue pourtant claire. Bloodshot se pose ainsi toujours les mêmes questions pendant quatre tomes et n’y répond (presque) jamais. Et puis, ces sacrées nanites, fourbes et gourmandes comme des sangsues… Mais l’auteur nous embarque sans difficulté dans son monde inquiétant. Car les bavardages narratifs ne masquent pas les nombreuses qualités : sens de la mise en scène, intrigue accrocheuse, personnages convaincants et goût pour les décors originaux – urbain, désertiques et très SF, à l’appui de découpages nerveux. On appréciera les clins d’œil à Mad Max et au western (tome 3) ainsi qu’à la série Lost (tome 4).
La réussite de Bloodshot Reborn tient aussi beaucoup au dessin Mico Suayan, splendide de bout en bout et qui saisit avec plus d’économie que le texte la psychologie de Bloodshot. De véritables peintures aiguisées mais pas surchargées malgré l’impressionnant niveau de détail. Et quand le dessinateur laisse sa place sur le tome 2 à Butch Guice, la différence est nette où l’on retrouve un registre plus consensuel. À noter aussi la prestation de toute beauté d’un autre dessinateur, Lewis Larosa, parfaitement à l’aise dans la peinture d’un désert post-apocalyptique. Le tome 4, puissant, nous abandonne lui sur une fin brutale et décevante, mais cette série, sans coup de mou depuis deux ans, nous ferre au destin tourmenté de Bloodshot, entre amours passionnés et impossible rédemption. Et ça tombe bien car Bloodshot America, la vraie fin, sort en septembre. Ouf !
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