Blue in green
Erik, prof de musique à New York, revient dans la demeure familiale pour enterrer sa mère, Alana. La nuit, plongé dans une transe somnambule, il tombe en arrêt devant une vieille photo. Qui est ce mystérieux saxophoniste et quelle était sa relation avec sa génitrice ? Pour tenter de comprendre cette femme qu’il connaissait mal, et aussi sans doute se comprendre lui-même, Erik part à la pêche aux infos auprès de ceux qui fréquentaient les mêmes clubs de jazz qu’Alana dans les années 1960.
« Les morts ne deviennent des fantômes qu’au moment où on se met à leur courir après », le met en garde un vieil ami de sa mère. Mais de quel fantôme parle-t-on, celui d’Alana, ou bien celui de son propre génie musical à lui ? Enfant, Erik était un prodige promis à un brillant avenir. Un peu à la manière du génial film des frères Coen, Inside Llewyn Davis, Blue in Green questionne le fardeau difficile à porter du talent et celui, bien plus lourd encore, de l’échec artistique et des rêves brisés. Mais sans apporter de réponses toutes faites, à l’image de sa conclusion baroque.
Avant d’en arriver là, cet album très singulier creusera un (micro)sillon bien à lui. Chaotique comme un disque de free jazz, traversé de solos visuels fiévreux (ambiance de concert restituée en quatre médaillons bien sentis, séquences d’hallucination virant au film d’horreur) parfaitement exécutés par le dessinateur indien Anand RK, Blue in Green impressionne par sa forme, virtuose. Les notes n’ont aucun mal à sortir de la page et on entend cette histoire au moins autant qu’on la lit. Sur cette bande-son graphique de haut vol, les paroles couchées par le décidément très fort Ram V (Toutes les morts de Laïla Starr), dans une belle narration à la première personne, composent une pièce entêtante qu’on n’a qu’une envie : refaire tourner sur la platine.
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