Blue Note #2
Pendant l’entre-deux-guerres aux Etats-Unis, à trente jours de la fin de la Prohibition, R.J., anonyme guitariste de blues, décide de quitter le Sud et ses confins où plus personne ne l’écoute, pour gagner Big Apple et ses promesses dorées, histoire de partager sa musique avec un vrai public. Lieu de perdition ou machine à rêves, New-York est aux mains de la mafia, recyclant alcool et fêtes tout en contrôlant ceux qui permettent de faire fonctionner la ville : policiers, journalistes, artistes, monnaie d’échange…
Après un premier volet décrivant l’itinéraire du boxeur Jack Doyle (qu’on retrouve en fin d’album !), le second tome se concentre sur R.J., bluesman en quête de gloire et de public mais empêtré dans un miroir aux alouettes. On rêve et on tombe avec lui, dans cette ville à la fois poisseuse et fascinante, où le crime côtoie le succès, le talent des uns l’ambition des autres. Et au temps de la Prohibition, tout est fragile, éphémère, comme une note éthérée jaillissant par magie d’une inspiration divine, et dilué dans la violence des rapports sociaux….On s’y croirait littéralement. Le scénariste Mathieu Mariolle, sur le même canevas narratif classique, retrace espoirs et cauchemars de son personnage, bien aidé par des dialogues dans le ton et jamais pompeux, peut-être sages ou trop justes, mais au service de personnages plus vrais que nature dont le destin échappe jusqu’à l’épilogue. Mais une nouvelle fois, on reste pantois devant le travail graphique de Mickaël Bourgoin, qui a la force de l’évidence et dont le talent éclate à chaque page, sculptant un décor ombrageux aux teintes sépias, chargé de détresse et d’une puissance rare. Equilibrée dans ses contrastes, cette esthétique de film noir subjugue notamment dans des doubles-pages grandioses. Ni dans l’excès ni dans la caricature mais dans le doux spectacle d’une mélopée envoûtante. Bref, chapeau bis !
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