Bohemians
« Durant près de cent ans, la bohème a été le lieu de rencontre privilégié des artistes, des marginaux, des révolutionnaires, des dilettantes et des parias. Ce qui ouvrit sans doute la voie au changement. » Extraite de Strange Fruit de Sharon Rudahl – parmi les meilleures pages de Bohemians – ces lignes en définissent bien l’objet, sous-titré « une histoire graphique des avant-gardes artistiques aux États-Unis ». Car ce recueil collectif narre les destins de celles et ceux dont les œuvres et les vies transgressives ont, entre les milieux des XIXe et XXe siècles, sapé le conformisme de la société américaine. Très diverses, les dizaines de figures évoquées dans Bohemians sont parfois familières – Walt Whitman, Billie Holliday ou Robert Crumb –, parfois moins connues telle l’artiste féministe Ada Clare, l’écrivain jamaïcain Claude McKay ou la danseuse afro-américaine Katherine Mary Dunham. D’une manière singulière, tous et toutes ont participé de cette bohème made in USA, au fondement de l’Amérique contemporaine.
Fidèle à la dimension « foisonnante » de la bohème d’outre-Atlantique, comme la définit l’historien Paul Buhle en introduction, l’ouvrage réunit une trentaine de récits et presque autant de créateurs et créatrices. L’album prend ainsi la forme d’un patchwork de bandes dessinées de longueur aussi variables – de deux planches à une dizaine – que leur graphisme, alternant réalisme et stylisation. Restituant l’hétérogénéité artistique de cette bohème, l’ouvrage en épouse aussi le versant libertaire avec ses auteur(es) issu(es) du comics underground.
Cohérent quant à son sujet, Bohemians pâtit cependant un peu d’un défaut inhérent aux albums collectifs : les récits le composant sont de qualité variable. Quelques-uns peinent à dépasser la seule illustration de textes par ailleurs intéressants. Mais le plus souvent les évocations sont d’une bonne facture, voire d’authentiques réussites comme celles de Sharon Rudahl. Au final, l’album procure un plaisir de lecture certain.
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