Bouvaert, élégie pour un âne
Au tournant du XVIIe siècle, le Flamand Bouvaert désespère de devenir un grand peintre reconnu. Pour l’heure, il végète à la cour de Mantoue, en Italie, à enchaîner les portraits des maîtresses du duc. Mais il va saisir une belle opportunité, aller se faire connaître à Rome et proposer ses services à l’Église. Pendant ce temps, son frère veille la vieille mère en Belgique, donne des cours de latin et tente de composer une ode à un âne…
Au départ, Simon Spruyt devait réaliser une biographie du peintre Rubens. Mais son projet a dérivé vers des aspirations plus personnelles et l’auteur de Junker propose finalement une biographie imaginaire, largement inspirée de son sujet de base, mais qui développe le personnage du frère écrivain et la relation entre ce dernier et le héros, qui devient une star de la peinture à son retour à Anvers. Avec une grande finesse dans la description des caractères, une précision jamais lourde dans le déroulé historique, et une mise en scène parfaitement étudiée, Simon Spruyt construit un petit théâtre historique et ironique, qui dit beaucoup sur l’époque et sur l’ego des artistes de tout temps. Il aborde la question de la volonté d’indépendance, la soif de reconnaissance, la peur du ridicule, l’ivresse du succès, les inévitables compromissions, la crainte de ne plus tout maîtriser, la quête de postérité. En dressant ce double portrait, de l’écrivain frustré et du peintre glorifié, le premier reprochant à l’autre sa longue absence, le second découvrant trop tardivement la douleur du premier, Simon Spruyt offre un livre tour à tour dur et tendre, cocasse et amer. Plein d’empathie pour ses personnages, mais avec la distance nécessaire pour en rire. Avec une technique au crayon charbonneux, illuminé par des couleurs numériques chatoyantes, il parvient à saisir l’esprit d’une époque et à brosser une passionnante bande dessinée d’aujourd’hui.
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