Bunker
L’été sur la côte d’Opale, c’est un peu la misère niveau occupation. Heureusement qu’on peut taper dans des ballons et qu’il est possible de squatter un bunker désaffecté depuis la Seconde Guerre mondiale pour tuer le temps. Avec ses potes Antoine et Bozo, Jessica est là. Ça fume, ça traîne, ça s’emmerde pas mal, alors forcément ça déborde.
Les titres sur l’adolescence, l’émancipation et les changements inhérents à cette période sont si nombreux et les thèmes si ressassés, que se lancer à pieds joints là-dedans est forcément casse-gueule. Camille Poulie le sait et décide de ne pas faire dans la demi-mesure. À la fois ancrée dans son époque par ses références (celles du tournant des années 2000) et universelle dans sa représentation du chamboulement que représente le passage à l’âge adulte, sa chronique crue de la puberté se démarque par l’authenticité de sa démarche. Son héroïne est rustique. En survêtement. Elle crie, elle crache, elle ne se laisse pas marcher sur les pieds. Sans artifice et elle tranche copieusement avec cette image d’Épinal de la féminité dont nous assène une société trop normée. Cheveux courts, seins bandés, il faut bien ça pour se faire une place sans être à la fois jalousée des filles et la proie des mâles en rut.
Jeune auteur diplômé des Beaux-Arts de Paris qui débute dans la bande dessinée avec cet album, Camille Poulie est l’héritier de toute une frange de la bande dessinée indépendante et sociale. Un peu comme si Taiyō Matsumoto rencontrait Gilles Rochier. Vivant et brut, son scénario part au quart de tour, comme son héroïne. Prenant place dans sa Picardie natale, ce portrait authentique sans gras se construit de désœuvrements en langages fleuris. Chronique sociale racée, Bunker a aussi l’attrait de son graphisme. D’un noir et blanc tranchant comme une lame de cutter, allant du réalisme de Gipi à une spontanéité de trait qui rappelle celui d’Edmond Baudoin, le style vibrant de Camille Poulie fourmille d’idées et d’audace.
Après le très réussi Merel de Clara Lodewick, cette nouvelle collection des Ondes Marcinelle ouvre une porte vers une bande dessinée sociale et humaine à l’inspiration plus indépendante que l’on n’avait pas l’habitude de voir chez Dupuis, ou alors au sein de l’académisme restreint qu’offre la toujours ambitieuse collection Aire libre. Et rien que pour ça, on attend les autres propositions à venir en 2023.
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