Par Fermín Solís. Rackham, 15 €, le 15 avril 2011.

L’Âge d’or et Le Chien andalou, ses deux films surréalistes, ont choqué la bonne société bourgeoise. Mais n’ont rempli ni ses poches, ni son estomac, ni son être de fierté. À Paris en ce début des années 30, Luis Buñuel se demande bien ce qu’il peut faire de sa vie et de sa carrière, lui qui aime tant le cinéma. Ce sera finalement un documentaire, sur des villages reculés et misérables d’un coin aride de l’Espagne : Las Hurdes, Terre sans pain pour la version française…

Bravo à Fermín Solís (Les Jours les plus longs, Des baleines et des puces…) pour cette reconstitution fantasmée du tournage d’un film dur et méconnu de Luis Buñuel, bien avant Le Journal d’une femme de chambre ou Belle de jour. C’est pour lui un prétexte pour dresser le portrait d’un artiste en quête d’idées et de projets concrets, alors que son esprit bouillonne de mille choses, et qu’il se sent oppressé par le dogme surréaliste. Violent, arrogant, irritant, perpétuellement contradictoire, un peu fou mais carrément génial, le Buñuel mis en scène par Solís est un personnage parfait pour une bande dessinée. Car avec sa ligne souple et expressive, qui fait penser tantôt à Christophe Blain, tantôt à David B., l’auteur espagnol évite l’écueil de la biographie désincarnée, pour créer un album aux images puissantes et au point de vue original. Bien sûr, ceux qui ne connaissent pas les films ou la personnalité du cinéaste Buñuel risquent de lâcher l’affaire assez tôt dans ce volume. Les autres (et les curieux) seront happés par le souffle tragi-comique qui inonde ce Labyrinthe des tortues, dans lequel il fait bon se perdre.

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