Callas, je suis Maria Callas
La vie de Maria Callas a certainement de quoi fournir un scénario intéressant. C’est une femme qui s’est faite seule, qui a travaillé d’arrache-pied, qui a aimé passionnément, qui est montée très haut, avant de déchoir. Les difficultés qu’elle a affrontées dans le secret de son âme et dans ses chairs nous instruisent par leur exemplarité.
C’est en tout cas la lecture qu’en fait Vanna Vinci (La Casati, Chats noirs, chiens blancs…) qui propose un portrait sans concession. Ni pour, ni contre la Callas, le récit est sous-tendu par un propos féministe chargé de dénoncer. La cantatrice a eu un grand destin malgré une mère manipulatrice, un manager malhonnête, un mari calculateur et un amant narcissique. La peinture de ce cercle de personnalités toxiques gravitant autour d’une personne douée d’un talent créatif sans pareil émeut et indigne. Qu’on soit mélomane ou néophyte, le récit nous transporte dans la carrière de la diva ainsi que dans sa psyché intime. Tous les aspects de sa vie sont abordés avec un vrai talent de conteuse. Le contenu poétique des tragédies interprétées par la cantatrice sont un matériau dont se régale l’autrice et qui donnent lieu à de belles planches en costumes. Seules quelques pages constituées uniquement de témoignages fatiguent un peu. Sinon, on peut aisément avancer d’une traite dans ce récit passionnant.
Le texte est porté par un trait épais à l’encre noire qui peut se charger de beaucoup d’intensité dans les portraits rapprochés de la chanteuse, notamment dans le dessin des yeux, très expressifs. Leur noirceur, la sensualité du trait de pinceau rappellent parfois la liberté d’un Baudoin. Mais le plus souvent, le dessin reste descriptif plus que jouissif. L’utilisation de la couleur rouge pour les bouches, les robes, les fleurs, le rideau de la scène est judicieux et élégant.
Il émane de ce roman graphique une impression de puissance : l’autrice va là où elle souhaite aller avec son sujet, comme si elle le dominait, comme si elle se sentait appelée à en faire ressortir les vérités. C’est LE trait qui distingue cette biographie des dizaines d’autres. On sent dans celle-ci une vrai urgence à dire, le devoir de faire savoir.
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