Capacity
Tout débute avec un projet un peu fou, une histoire d’homme imaginaire à finaliser. Pour mieux apprécier le récit, l’auteur nous invite à prendre la place du héros pour le suivre dans un périple onirique à l’intérieur de son crâne. Baladé de case en case, le lecteur, coiffé d’un casque de visionnage, découvrira un monde étrange et merveilleux, peuplé d’un bestiaire où cohabitent dragons écaillés, fées plumées et corps effeuillés. Pour guides, Oisok, un oiseau héraut, Estiborn Galiborn, le maître des ciseaux. Et un narrateur…
Dans cette invitation au voyage, Theo Ellsworth propose au lecteur une visite guidée dans les recoins de sa conscience. Un lieu d’obsessions fécondes, un monde forcément intrigant où divague un Pierrot hanté, double de papier de l’artiste. La réussite de Capacity tient moins dans son sujet – la douleur du travail de création – que dans son ambition formelle. Au cœur des strates de son cerveau, le créateur digresse, s’interroge, ouvre des portes et bâtit un puzzle tortueux, dont la féerie est soutenue par la variété des décors, entre forêts mystérieuses et villes fantastiques. Il offre ainsi de véritables tableaux baroques, saturés de symboles, de détails stupéfiants et de créatures bizarres, pas loin de l’imaginaire d’un Jérôme Bosch. Réflexion sur le travail d’artiste, exploration de son inconscient et histoire d’un livre, Capacity entretient l’horizon des possibles et fait du rêve la matière et la condition mêmes d’une existence pleinement vécue. Au gré d’une fantaisie sans limite, Ellsworth sonde donc l’ambition d’une vie, celle de s’évader dans le théâtre d’une aventure fantasmée, manière d’affirmer son désir, son être et sa liberté, par-delà les doutes et les tâtonnements. Pesant par moments mais audacieux, cet album ne donne certes pas dans la facilité comme le rappelle cette amusante réplique : « Surtout n’oubliez pas que plus c’est bizarre, moins c’est facile à vendre ! ». Mais ce récit à tiroirs, à la première personne, réussit à enchanter pour peu que l’on se laisse porter. Un joli saut dans l’inconnu.
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