Alexandre Tikhomiroff est issu d’une famille bourgeoise de la Russie tsariste. Lorsque la révolution bolchévique de 1917 éclate, le père, soucieux de l’honneur de sa famille, demande à un de ses fils de s’engager dans l’armée blanche. Ce sera Alexandre. Le jeune capitaine Tikhomiroff se retrouve bien malgré lui embringué dans un conflit qui le dépasse. Tout devient alors question de survie dans une épopée qui mène Alexandre des plaines ukrainiennes en Savoie. Car de nombreux russes blancs aboutirent en France au début des années 1920.

Gaétan Nocq, après avoir raconté les souvenirs d’Alexandre Tikhomiroff fils, dit Tiko, dans Soleil brûlant en Algérie, s’intéresse cette fois aux affres de la Révolution d’octobre vécue par le père de Tiko et raconté par ce fils dans le livre La Tasse de thé (L’Harmattan, 2009). On retrouve ce thème de la guerre vécue à hauteur d’homme où un destin se trouve en prise avec des éléments qui le dépassent et où tout est question de survie. Survie que l’on doit aussi bien à sa débrouillardise qu’au hasard. Gaétan Nocq retranscrit les souvenirs dans un récit dynamique et haletant qui tient de l’épopée tout en dégageant un message profond : celui de l’absurdité de la guerre.

L’auteur use de tout son talent pour livrer des planches où aplats à l’acrylique côtoient un crayonné à la mine qui fait émerger les masses humaines. On note cette imposante maîtrise graphique qui avait déjà émergée dans Soleil brûlant en Algérie et qui fait de Gaétan Nocq un artiste peintre notable. Ainsi le dessin permet, sur ses paysages désolés où le regard se perd, de détacher des hommes qui tentent d’avancer dans un univers doublement hostile : celui de la nature des plaines d’Europe de l’Est, et celui de la guerre.

Capitaine Tikhomiroff confirme Gaétan Nocq comme un artiste majeur dont l’art s’épanouit à merveille dans le style du roman graphique.