Carnet du Pérou
Fabcaro fait partie des auteurs les plus drôles du moment. Que ce soit dans ses albums solos (La Clôture, L’Album de l’année, On n’est pas là pour réussir, etc.) ou écrit pour d’autres (Amour, passion & CX diesel avec James, Z comme Don Diego avec Fabrice Erre), sa formule bien rodée mêlant décalage, chutes improbables et une autodérision implacable marche à tous les coups.
Mais voilà, un jour Fabcaro en a assez d’être l’amuseur, celui qui raconte des bonnes blagues. La rencontre avec une artiste péruvienne l’incite à aller voir ce pays, sentir cette culture, et c’est la révélation. Il décide alors de raconter son expérience et sa fusion avec un peuple, abandonnant son trait habituel pour un traitement semi-réaliste, plus en phase avec un sujet plus grave. Sauf que rapidement, on lui signale que les sombreros c’est au Mexique et que ne parler que de gangs et de violence, c’est un rien cliché.
Empêtré dans son mensonge, Fabcaro tente désespérément de faire croire à ses proches que si si il est bien allé là bas, lui, l’hypocondriaque qui a peur de faire 5 kilomètres en voiture. Alternant entre faux carnet aux situations délirantes, des appels à la hotline Photoshop et des dialogues hilarants avec ses collègues (apparaissent en guest stars James, Fabrice Erre, Boris Mirroir, Gilles Rochier), il réussi à renouveler sans cesse cette épineuse situation d’équilibriste.
Du pompeux discours quasi colonial de l’européen se ressourçant chez ces braves gens, si pauvres mais si riches au fond, aux gamins des rues jouant au foot avec un lama, on ne peut lâcher ce petit monument d’humour qui est très légitimement sélectionné à Angoulême. Et après avoir bien ri, en creux, on en vient à réfléchir plus largement sur le statut de l’humour en bande dessinée, souvent mésestimé face à de sujets prétendument sérieux. Humoriste, Fabcaro l’est pleinement et l’assume, avec des qualités et une prise de risque que l’on retrouve chez peu d’auteurs actuels. Ouf, on a presque eu peur.
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