Ce que nous sommes
Dans un futur proche, les technologies numériques auront pris une part prépondérante dans la vie de l’Humanité : des implants cérébraux apportent à ceux qui en sont équipés une connaissance quasi illimitée, et une optimisation de leur corps afin de vivre toujours plus longtemps. Plus la peine d’apprendre l’anglais, la puce vous transfère la maîtrise de 10 langues vivantes. Inutile d’avoir un téléphone en poche, les appels aux proches ou les recherches d’itinéraire sont intégrés directement dans la tête. Cette révolution a permis de sauver un peu la planète, dans le sens de l’économie des ressources naturelles nutritives, car il suffit d’avaler une pilule goût lasagne pour que votre cerveau en reproduise la sensation, sans qu’il soit besoin de faire pousser du blé ou d’élever des bêtes. Mais, double revers évident de la médaille : ces technologies ont un coût astronomique, écartant de fait les moins bien lotis, et elles consomment la quasi intégralité de l’énergie produite, laissant les pauvres survivre hors des villes protégées, sans électricité. Un paradis numérique pour nantis, duquel va être extrait de force Constant : un soir, il perd tout contact avec le réseau et se retrouve à errer en pleine nature, sans plus rien savoir puisque toute ses « connaissances » étaient fournies par des serveurs informatiques…
Après The End et Paris 2119, Zep poursuit sa veine adulte dans le registre de la science-fiction, en s’interrogeant sur le sujet du transhumanisme et de la mémoire numérique. Avec une idée forte : l’humain voulait être augmenté, il est en réalité assisté. Et donc, plus vulnérable qu’avant. Car une fois qu’on le coupe de ses ressources en ligne, stockées dans des machines périssables et piratables, il ne sait plus rien. Et il n’est plus grand chose, car il n’est qu’un réceptacle à expériences virtuelles. Sans jamais avoir rien appris, ni vécu. Cette idée, tout à fait d’actualité, donne une base scénaristique vertigineuse quand on pousse un peu le curseur, ce que fait Zep avec talent. Son intrigue en elle-même – Constant à la recherche de sa mémoire va tomber amoureux et affronter des périls – est moins convaincante, mais qu’importe, le propos n’est pas là. Ave son trait fluide et lisible, sa manière sobre et frontale d’affronter des thèmes ardus, l’auteur suisse offre un album de SF tous publics, ce qui n’est pas si commun. Les spécialistes du genre pourront l’estimer un peu convenu et naïf, les autres y trouveront matière à profonde réflexion.
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